L'histoire de la Commune de Lissagaray

 

Écriture d’une histoire « immédiate : l’Histoire de la Commune de 1871 de Lissagaray


La Révolution (1789-1871, écriture d’une une histoire immédiate, Publication de l’Université Blaise Pascal, 2009.


L’Histoire de la Commune de 1871 de Lissagaray, publiée en 1876, rééditée vingt ans après en 1896 avec des compléments, d’importantes corrections – et aussi des remords, est probablement un exemple des plus réussis de cette histoire qu’on dit « immédiate ». Pas un historien qui n’ait largement utilisé, et encensé, ce texte en effet majeur, reconnaissant toute sa dette à cette source vive.

Il ne s’agit pas ici de refaire un débat, qu’on peut considérer aujourd’hui comme à peu près clos, sur mémoire et histoire, mais d’évaluer l’apport de Lissagaray à l’histoire de l’événement de 1871 : un Lissagaray, qu’on n'a pas toujours lu d’assez près[1].


D’une édition à l’autre

Lissagaray publie dès 1871 Les Huit journées de mai derrière les barricades ; il y fait une histoire déjà très précise des événements  militaires et de la répression de la Semaine sanglante, en appelant à nouveaux témoins pour parfaire sa première enquête hâtivement mais efficacement menée. L’essentiel en sera repris dans l’Histoire de la Commune. Au texte, il a donné pour prologue la Déclaration de la Commune du 19 avril au Peuple français, et, en conclusion, une esquisse d’analyse sociale.

En 1873, il s’est essayé, maladroitement, au drame, avec La Vision de Versailles[2].  En 1876 paraît la première édition de l’Histoire de la Commune. Elle aurait été achevée trois ans plus tôt ; elle était annoncée par J. Lemonnyer dans son Essai bibliographique sur la proscription de 1873[3] et devait alors être pratiquement prête si l’on en croit le résumé qu’il en donne, précisant : elle « est en ce moment à l’impression ».

En 1877 en paraît une traduction allemande chez Wilhelm Bracke, qui a été relue et « améliorée » par Marx[4]. Elle sera rééditée en Allemagne en 1891,1894,1898, 1906, et à maintes reprises au XXe siècle, notamment encore en1971[5].

En 1886, est publiée une édition anglaise, dans une traduction d’Eleanor Marx : celle-ci précise que sa traduction date de 1877[6]. Elle ajoute qu’elle n’a pas voulu la retoucher par piété filiale, Marx ayant lui-même relu et corrigé le texte de ce qui devait être une seconde édition française (qui ne paraîtra jamais).  « I am loath to alter the work in any way. It had been entirely revised and corrected by my father. I want it to remain as he knew it. » C’est cette édition qui est reprise en 1898 par l’édition américaine[7]. En1896 est publiée l’édition française définitive, avec de nombreux ajouts et de sévères corrections. C’est celle-ci qui sera rééditée en français, assez tardivement d’ailleurs, en 1929[8].

 Histoire immédiate ! Lissagaray a œuvré en véritable historien, établissant critiquement la validité des faits, les ordonnant en un récit logique, proposant enfin d’y reconnaître un sens, que les historiens postérieurs pourront réexaminer ou critiquer, comme lui-même le fait d’ailleurs après vingt ans.

On se contente de citer avec toute la révérence possible ce livre « d’un ancien combattant sans doute, mais qui n’a été ni membre, ni officier, ni fonctionnaire, ni employé de la Commune, un simple du rang qui a connu les hommes de tous les milieux, vu les faits, traversé les drames, qui pendant de longues années a recueilli, vanné les témoignages. »

On peut douter que Lissagaray ait beaucoup vu de ce dont il fait le récit, et de sa réelle présence au combat ou sur les lieux qu’il décrit[9]. Lui-même n’atteste avoir été présent qu’en visite aux fronts trois jours avant la Semaine sanglante ; J. Lemonnyer précise : « Ayant suivi lui-même jusqu’au dernier moment le quartier général de la résistance… ». Ce qui semble plausible est que Lissagaray a accompagné le Comité de salut public de l’Hôtel de Ville le 22  mai à la mairie du XIe arrondissement à partir du 26 mai, et finalement à Belleville. Pour le reste, il a trouvé ses informations essentielles dans le dépouillement d’une presse considérable. Il lui arrive parfois d’« héroïser » quelque peu son histoire de la Semaines sanglante : Il n’y a pas eu de barricades de femmes, place Blanche, le 23 mai, pas davantage de grande bataille à la Butte aux Cailles le 25[10]. On se gardera pour autant de diminuer la valeur  du témoignage, car ses sources sont importantes et impeccables. Pour l’édition de 1876, les procès-verbaux du Comité central de la Garde nationale, patiemment reconstitués, dit-il, à l’aide de témoignages directs[11] – c’est d’ailleurs sur cette base que, faute de mieux, nous travaillons encore aujourd’hui ; les procès-verbaux du Conseil de la Commune rédigés par Amouroux, qu’il a retrouvés à Carnavalet, pour l’édition de 1896[12] ; le rapport Mac-Mahon paru à l’Officiel du 3 août 1871 sur les opérations militaires contre Paris qui lui a beaucoup servi dès l’édition de 1876 ; les grandes  enquêtes parlementaires sur les actes du gouvernement de la défense nationale[13], sur l’insurrection du 18 mars[14], et le rapport Appert de 1875 sur la répression[15].

 Auteur des Huit journées… (1871), Lissagaray avait initié de son exil londonien une contre-enquête  pour contrer la campagne de publications versaillaises par  le  rétablissement des faits, vrais, vérifiés. Le Cercle d'études sociales de Londres, réunion de proscrits français, avait décidé en 1872, sur sa proposition, de répondre aux calomnies contenues dans l'Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars qui venait d’être publiée. Le Cercle avait chargé Vallès et Lissagaray lui-même de réunir les documents relatifs au mouvement communaliste afin d'en écrire l'histoire[16]. De là sans nul doute  le différend qui ne cessera d’opposer Lissagaray à Vallès, et l’animosité de ce dernier ; n’ayant jamais été capable, quoi qu’il en dise, d’écrire sa propre histoire de la Commune, il ne décrie avec acrimonie le travail de son adversaire.

 L’Histoire de Lissagaray est avant tout un récit chronologique de faits, petits et grands, accumulés, récit extraordinairement minutieux, presque trop, car on se perd souvent dans le détail. Mais il vaut la peine d’examiner de près les remords et corrections de l’auteur à mesure que paraissent de nouvelles éditions.

 Lissagaray a modifié profondément, de 1876 à 1896, son final. Naturellement d’abord par l’ajout d’un nouveau chapitre chronologiquement nécessaire : « L’Assemblée de Malheur. Le Mac-Mahonnat, Le grand retour ». Mais surtout la conclusion du livre est considérablement remaniée. L’édition de1876 s’achevait sur par un appel à l’aide aux déportés et à l’amnistie : « Comprenez vous, travailleurs, hommes libres ? Qu’avez-vous fait pour votre frère ? […] Allez, souvenez vous, non pas un jour, mais toute l’année. », appel qui était précédé d’une longue interrogation sur les faits et surtout sur la signification profondément républicaine de la Commune. Dans l’édition anglaise de 1877/1886, le texte a été amputé de cette longue interrogation ; ne subsiste que l’appel à la solidarité avec les déportés et proscrits, s’achevant par une brève évocation  du rôle du « parti » socialiste international. « Let the Socialist party attest its principles of international solidarity and its power by saving those who have fallen for it. » L’interrogation républicaine primitive est rétablie en totalité, et augmentée dans l’édition de 1896 ; Lissagaray y ajoute un post-scriptum, titré « 1896 » sur lequel on reviendra.

 Il y a eu surtout une modification du « Prologue » de 1876 intitulé « Comment les Prussiens eurent Paris et les ruraux la France ». Considérablement enrichi, il est désormais divisé en deux parties :

1/ Le Prologue proprement dit.

2/ « Comment les Prussiens eurent Paris et les ruraux la France ».

 Le Prologue n’est pas ce qu’il y a de plus achevé dans l’Histoire de la Commune. Le récit commence le 9 août 1870, jour de la démission d’Émile Ollivier : Lissagaray était présent à Paris en cette journée où fut manquée  une première proclamation de la République, un peu trop précipitée. En réalité il se livre à un long retour en arrière, à un récit désormais fortement argumenté de la crise finale et de la chute de l’Empire. « On revit tout à fait le Bas-Empire. La nation, glissant, garrottée, dans l’abîme devant ses classes gouvernantes silencieuses, immobiles. »(1876 p. 9)[17] ; le texte est légèrement corrigé dans l’édition de 1896 en « Trois semaines durant (du 9 à la fin d’août), la France glissera dans l’abîme devant des impérialistes immobiles, et une Gauche qui se bornera à quelques exclamations. »

 Lissagaray entremêle alors, sans autre ordre en fait que chronologique, année par année, le détail  de l’histoire politique, l’histoire du mouvement républicain, l’histoire ouvrière, particulièrement de l’Internationale et des chambres syndicales ouvrières, l’histoire extérieure (guerre d’Italie, expédition du Mexique).

L’introduction était brève dans la première édition de 1876 :  « Juillet 70 surprit le parti dans sa période chaotique, empêtré de fruits secs bourgeois, de conspirailleurs  et de vieilles goules romantiques. L’internationale qui pouvait être un groupement sérieux commençait à peine, sous l’impulsion de Varlin, ouvrier relieur d’une rare intelligence, de Duval, Theisz, Frankel et quelques dévoués à organiser son personnel. » Elle est déjà plus substantiellement développée dans l’édition de 1877/1886 qui soulignait l’« état chaotique du parti d’action », l’importance mais aussi la faiblesse de l’idéologie du journal La Marseillaise, la grande feuille qui réunissait depuis 1869 l’extrême gauche républicaine socialiste et les représentants du mouvement ouvrier. Ce n’était, dit Lissagaray, qu’un « méli-mélo de doctrinaires et de lettrés désespérés, unis par la haine de l’Empire, mais sans vision définie et surtout sans discipline »[18].

En 1876 Lissagaray – qui n’a été sous l’Empire qu’un journaliste radical et surtout provincial - ne connaît visiblement qu’assez superficiellement le mouvement parisien. Il ne peut notamment qu’esquisser un tableau très rapide de l’Internationale parisienne « groupement sérieux », «  qui proposait l’idée la plus adéquate du mouvement révolutionnaire de notre temps. » Il enrichit son récit en 1877, après avoir eu contact avec des membres de l’organisation ouvrière et avec Marx, dont il a fait la connaissance dès la formation du Cercle d’études sociales et gratifie très vite, du titre de « Mon cher maître ». Il peut être plus précis en 1877.

« Already, in 1869, workingmen’s societies, founded for mutual credit, resistance and study, had united in a Federation, whose headquarters were the Place de la Corderie du Temple. The International setting forth the most adequate idea of the revolutionary movement of our century, under the guidance of Varlin, a bookbinder of rare intelligence, of Duval, Theisz, Frankel, and a few devoted men, was beginning to gain Power in France. It also met at the Corderie, and urged on the more slow and reserved workmen’s societies. The public meetings of 1870 no longer resembled the earlier ones; the people wanted useful discussions. Men like Millière, Lefrançais, Vermorel, Longuet, etc. seriously competed with the mere declaimers.

 But many years would have been required for the development of the party of labour, hampered by young bourgeois adventurers in search of a reputation, encumbered with conspiracy-mongers and romantic visionaries, still Ignorant of the administrative and political mechanism of the bourgeois regime which they attacked. «  Les détails et surtout la critique finale ont été visiblement inspirés par le  « cher maître ».

L’édition de1896 reprend beaucoup plus longuement et avec plus de précision encore l’histoire des progrès du mouvement ouvrier depuis 1851, soulignant toujours toutefois la faiblesse et le manque d’organisation et de coordination de l’opposition.

 Qu’on ne voie  en aucun cas dans ce qui va suivre une quelconque critique d’une œuvre qui reste magistrale dans sa documentation, dans son style passionné, caustique, tout de colère rentrée, émaillé de néologisme percutants, qui fait sa force inimitable ; je ne retiens qu’une citation, très hugolienne – Lissagaray a une admiration indéfectible pour Hugo. Elle était dans les Huit journées. Absente des éditions de 1876 et 1877/1886, elle est fort heureusement reprise en 1896.

« Voilà ces journées de force et de carnage, l’une des plus grandes éclipses de civilisation qui, depuis les césars, aient obscurci l’Europe. Ainsi Vitellius se rua dans Rome, ainsi, par un mouvement tournant, il cerna ses adversaires. Même férocité dans le massacre des prisonniers, des femmes et des enfants ; même brassardiers à la suite des vainqueurs, mais au moins Vitellius ne parlait pas de civilisation. » Éclipse de civilisation, c’est aussi un mot de Hugo dans L’Année terrible :

« Il ne sera pas dit que pas une parole`

N'a, devant cette éclipse affreuse, protesté. »

 

Je  traiterai essentiellement de trois points :

 1) L’Histoire de la Commune est une histoire d’abord politique, une histoire  - on le dit sans honte – « événementielle », et passionnelle, sans pour autant être partiale ; c’est ce qui fait sa force. On pourrait parler même d’« histoire bataille » ;  Lissagaray, qui se veut compétent en la matière (il a participé activement en province, sous Gambetta, à l’effort de défense nationale) privilégie volontiers les aspects militaires et les combats de l’insurrection. La répression sanglante est longuement et dramatiquement traitée, mais il s’agit surtout pour lui de dégager un fait positif, la capacité militaire réelle du Paris populaire à combattre pour la République, même s’il a été vaincu.

L’analyse sociale qui appuie l’argumentation est simple. Il n’est pas question ici d’en critiquer ce qu’on dirait aujourd’hui le simplisme. Elle est là pour étayer une histoire qui se veut politique (et polémique). Aussi bien nous renseigne-t-elle, sans grande surprise d’ailleurs, sur la vision sociale qu’avait la gauche républicaine socialiste du dernier tiers du XIXe siècle.

Du côté de l’insurrection, au premier chef - c’est une évidence majeure pour les socialistes de ce premier XIXe siècle - : « la classe qui produit tout », les « classes laborieuses » qui entament leur « avènement graduel et irrésistible ». Le journal La Bataille que dirigera Lissagaray de 1882 à 1885 et de 1888 à 1893 se donnera pour sous-titre : « Pour la suppression des classes par l’avènement des travailleurs »

Classes laborieuses, les ouvriers de Paris, les ouvriers des villes et des champs.  Mais avant tout le peuple, abondamment, constamment ; et surtout, définition très historique : « Ce peuple qui marche et qui se définit ». Classes laborieuses, Peuple : les deux mots majeurs pour les républicains socialistes d’alors. Prolétariat, terme qui en est alors presque rigoureusement le synonyme, ou ses dérivés, prolétaire prolétarien, révolution prolétarienne, apparaissent beaucoup moins fréquemment. « Le peuple a constamment lutté contre l’Empire ». Avec une référence (toujours implicite) à la Révolution : « Cette force populaire qui prend la Bastille ». « Les petits-fils des niveleurs du Champ de mars ». Ce peut être aussi dans les mauvais cas  le public, le gros public, la masse, le « populo républicain », ou encore « la matière électorale de province » On notera que Lissagaray dès 1876 abandonne le terme de « Quatrième état ».

 En face :

Le clergé, « le clergé du Syllabus », le « monstre clérical », plus prosaïquement en 1896 « le gouvernement des curés ».  Celui-ci, peu évoqué dans la première édition, mérite un substantiel ajout dans la version définitive : « Le clergé, si grandi par l’avènement sur suffrage universel, embrassait cet empereur ‘sorti de la légalité pour rentrer dans le droit’ avait dit Darboy, évêque, et lui donnait du Charlemagne, du Constantin. Haute et moyenne bourgeoisie s’offrait (sic) à tous les services qu’il plairait au maître. »

 Opposée à Peuple, « la  bourgeoisie », la « classe moyenne », ici vue sous un angle exclusivement politique : « Les classes gouvernantes », « la classe dévorante », « les puissances sociales », les réactionnaires, la réaction, les conspirateurs monarchistes, la coalition clérico-monarchique, les libéraux…

Dans les Huit journées…, cette classe moyenne est condamnée à disparaître, à se fondre dans le prolétariat. « La bourgeoisie décrépite, s’affaissant de plus en plus bas dans sa pourriture, le quatrième état, jeune, sain, intelligent, se dresse comme autrefois le Tiers devant les ordres privilégiés. » « La classe moyenne n’a pas besoin […] de grands hommes pour reconnaître qu’elle est absorbée chaque jour par les puissances financières et refoulée dans le prolétariat,comme au moyen âge les petits propriétaires furent réduits par la féodalité à la condition de serfs d’origine. […]Elle se sent fort bien à la merci de la haute bourgeoisie qui lui laisse çà et là glaner quelques maigres places et du capitaliste qui peut, en ouvrant et en fermant la main lui donner ou lui ôter la vie. » (p. 283-284).

 Elle se décompose en deux ou trois sous-classes, selon le cas.

 = La « haute » bourgeoisie (plutôt que grande bourgeoisie) : Lissagaray n’utilise que ce terme assez curieux, d’usage rare en 1871, mais qu’on trouve parfois). Thiers en est l’homme providentiel.

« Tous les députés officiels étaient de hauts bourgeois », comme les financiers, le camp de la Bourse. » « Cette haute bourgeoisie qui, dix-huit années durant, muette et le front dans la poussière, tendit ses légions à Varus[19]. Elle avait accepté le second Empire par peur du socialisme comme ses pères s’étaient soumis au premier pour clore la Révolution. » Bonaparte lui a offert « une centralisation de fer ». « Il la laissa bâtée pour tous les maîtres ». Elle fit « sa mutinerie de 1830, transformée en révolution par le peuple » […]Mais « Le haut bourgeois de 1830 n’a qu’une pensée comme celui de 89, se gorger de privilèges… perpétuer le prolétariat. … » (1876, p. 10 et 11). Ce texte est repris en 1896, à ce détail près qu’« exploiter un prolétariat nouveau » remplace « perpétuer le prolétariat ».

 = « La bourgeoisie moyenne », terme employé d’abord et surtout pour désigner la bourgeoisie des villes de provinces (parfois dite aussi plus sévèrement « la matière électorale de province »). «  (Celle-ci) perdit une occasion bien rare de reprendre son grand rôle de 1792 ». Ou encore pour déprécier les « nouvelles couches »  gambettistes :  « cette bourgeoisie moyenne de l’Empire, peureuse, lointaine au peuple, avocassière et finassante ». L’édition de 1876 parlait de « la bourgeoisie radico-libérale » (p. 110). Le qualificatif, conservé en 1877/1886, est supprimé en 1896.

C’est cette « classe moyenne » proprement dite qui doit disparaître : elle se fond finalement dans :

 

= La petite bourgeoisie. Celle-ci n’est définie avec un peu de précision « sociale » que dans l’édition anglaise de 1877/1886 : « shopkeepers, commercial clerks, mechanics, sculptors, architects, caring little for systems, anxious above all to save the Republic. » La  définition d’est pas reprise dans l’édition de 1896 qui reste dans le vague :  « boutiquiers, employés… ».

Un passage sévère de 1876, repris dans l’édition de et 1877/1886 est supprimé en totalité dans celle de 1896. Lissagaray questionnait : sous l’Empire, « Mais que fait donc la petite bourgeoisie ? Cette classe maigre qui pénètre tout, l’industrie, le commerce l’administration, qui peut tout, encadrant le peuple, si vigoureuse, si prompte aux premiers jours de notre hégire ; ne va-t-elle pas comme en 92, se lever pour le salut ? Hélas, elle s’est délitée sous la chaude corruption de l’Empire. Depuis bien des années, elle vit en l’air, s’isole de ce prolétariat d’où elle naquit hier, où les hauts barons de l’industrie vont la refouler demain. Plus de ces élans fraternels, de ces ardeurs de réformes qui précédèrent 1848. Avec l’initiative hardie, le sens de la Révolution, elle perd la conscience de sa force. Ces petits industriels, façonniers, quart d’affranchis qui pourraient si bien se représenter eux-mêmes vont chercher leurs mandataires parmi les libéraux. »

 La bourgeoisie s’étant inféodée à l’Empire, qui furent ses véritables opposants ? Certes pas la « Gauche républicaine » ou même la gauche « extrême » de Gambetta, qui n’ont pas su ni voulu non plus comprendre la Commune ; vigoureusement vilipendées dans l’édition de 1876, elle seront plutôt ménagées en 1896. Mais seuls combattaient vraiment alors « jeunes gens qui de la bourgeoisie ont passé au peuple, fidèles enfants de 89 qui veulent continuer la Révolution, ouvriers réunis pour l’étude et la possession de leur travail » (1876, p. 4). Dans l’édition de 1896, plus approfondie, viennent d’abord « les ouvriers de Paris », les auteurs du Manifeste des Soixante, les membres de l’Internationale ou des chambres syndicales ouvrières … N’apparaissant qu’en 1867, « la jeune bourgeoisie révolutionnaire », d’ailleurs méfiante, croyant au bonapartisme des ouvriers. Méfiance réciproque : « Les délégués (ouvriers) […] ne virent dans ces fils de bourgeois que leurs pères plus jeunes. […]À tort. Cette génération était meilleure et ses journaux du quartier latin ne s’isolaient pas du prolétariat dans leur corps à corps avec l’Empire. » La présentation a été significativement inversée d’une édition à l’autre. Dans la version de1876, p. 16 : « À la fin de l’Empire, il n’y a de vivant, d’actif, que quelques jeunes gens de la petite bourgeoisie et le prolétariat. Eux seuls montrent quelque courage politique… » Dans  celle de 1896 « Depuis trois années, […] il n’y a eu de vraiment sur la brèche qu’un prolétariat d’un esprit tout moderne et les jeunes qui, de la bourgeoisie ont passé au peuple. Eux seuls ont montré quelque courage politique. »

 

Paris social est sans aucun doute le grand absent de cette histoire. Il reste une ville abstraite, tout comme reste abstrait le peuple. Lissagaray évoque, non sans grandiloquence « la grande flamme de Paris » « sa lumineuse physionomie », «  son cœur inépuisable »… « Vous l’avez vu penser, pleurer, combattre, travailler, enthousiaste, fraternel, sévère au vice ». On n’a vu, au vrai, bien peu de chose de tout cela, notamment pas le Paris travailleur. Dans le chapitre « Paris à la veille de la mort », on fait en compagnie de l’auteur  une promenade dans Paris ; à peine une allusion rapide, la seule, à une séance  du club de l’église Saint Nicolas des Champs et au club de femmes des Batignolles ; on passe en hâte aux combats aux remparts. Lissagaray n’est guère peuple, il bâcle toute histoire du peuple concret et seule compte vraiment pour lui l’opposition Versailles/Paris.

 Apparemment, Lissagaray ne fait donc qu’un récit « événementiel ». On peut ici non sans justesse lui opposer l’Histoire populaire et parlementaire de la Commune d’Arthur Arnould de 1878, récemment redécouverte, que lui préfèrent souvent les historiens dits « sociaux d’aujourd’hui[20]. Histoire en effet beaucoup plus « populaire ». Êlu à l’assemblée communale par le IVe arrondissement, mi-populaire, mi-bourgeois, Arnould a su remarquablement décrire ce petit milieu original, socialement et politiquement,  et restituer l’ambiance qui y régnait en 1871. Mais l’analyse d’Arnould, à coup sûr beaucoup plus vivante, n’est pas à tout prendre tellement éloignée de celle de Lissagaray : « Depuis juin 1848, le peuple et la bourgeoisie s’étaient séparés sur des monceaux de cadavres, et ne s’étaient plus tendu la main. De cette scission était né l’Empire, et il en avait vécu.  De telle sorte qu’un gouvernement qui avait en réalité contre lui, dans Paris et dans toutes les villes, l’immense majorité des citoyens, durait depuis vingt ans, grâce à la peur que le peuple inspirait à la bourgeoisie, grâce à la haine méritée que la bourgeoisie inspirait au peuple. L’Empire succomba juste le jour où, sous le coup d’une grande douleur patriotique, d’une grande honte nationale, retombant sur tout le monde, la scission [...]disparut, […]au milieu du deuil public et de l’indignation universelle. » Peuple opposé à bourgeoisie, les mots essentiels sont les mêmes ; ils sonnent seulement plus vrais, on les sent infiniment plus concrets chez Arnould.


 2) D’une édition à l’autre, on l’aura déjà remarqué aux corrections mentionnées qui gomment ou atténuent bien des aspérités du texte, on constate ce que j’appellerai volontiers un net « apaisement républicain ».


Cet « apaisement » profite à Gambetta, mise à part la malveillante appréciation évoquée plus haut de la composition des « nouvelles couches ». L’édition de 1896 réhabilite sa défense au procès Baudin, « borne fatale pour l’Empire ». Et son opposition de 1869 et surtout de1870 : « Dans la discussion sur le plébiscite, il s’égala à Mirabeau. […] Gambetta démontra le piège, prouva que l’Empire ne pouvait supporter la moindre dose de liberté. »

La première édition très était fortement critique à l’égard de son rôle dans la guerre. Par toute une série de petites modifications, en 1896 son œuvre républicaine de défense nationale est à pratiquement réhabilitée. En 1871 il  « n’a pas désespéré de la Patrie. » « Malheureusement ce jeune homme si grand agitateur croyait aux vieilles formes. » 1896 ajoute qu’avec lui, « La province prenait la Défense nationale au sérieux ».  Dans l’édition de1876 : « Il s’autorisa de leur timidité (des préfets), et par défaut d’énergie, prit la dictature. Dans celle de1877/1886, «  Lacking the energy to grapple with the real difficulties of the situation, Gambetta fancied he might shift them by the expedient clap-trap of his dictatorship » ; clap-trap, boniment, est un ajout de 1877. En 1896 on n’a plus que : « Gambetta s’autorisa de leur timidité, et par défaut d’audace, prit la dictature. »

Clemenceau a le même heureux sort. Dans la première version, il était « moitié dupe, moitié complice de M. Thiers » : la réflexion venimeuse est supprimée en 1896. Plus généralement, les radicaux et leur rôle sont réhabilités.  La phrase « Les petits crevés du jacobinisme, qui s’appelaient radicaux » (1876, p. 35) est remplacée en 1896 par simplement « les radicaux », de même que disparaît le passage : « Vraiment, il fait beau voir les ventrus radicaux demander avec dédain ce que signifiait cette insurrection, ce qu’elle a produit, eux qui, après dix mois de règne n’ont produit que des apostasies et des bégaiements. » (1876, p. 13).

Réhabilitation également très nette du rôle de la bourgeoisie de province, moyenne et petite, et de son rôle. « Ainsi, les révoltes des villes s’éteignaient une à une comme les cratères latéraux des volcans épuisés. […] Partout vainqueurs au premier choc, les travailleurs n’avaient su que crier : Vive Paris ! Mais du moins ils prouvèrent leur vie, leur cœur et leur fierté. Quatre-vingts ans de domination bourgeoise n’avaient pu les transformer en un peuple de sportulaires. » (1876, p. 20). Dans l’édition de 1896, une malveillante phrase finale est supprimée : « Tandis que les radicaux qui les combattirent ou se détournèrent deux attestèrent une fois de plus la décrépitude, l’égoïsme de la bourgeoisie moyenne, toujours prête à trafiquer des travailleurs avec les classes supérieures. » Au contraire, radicaux de province et de Paris ont œuvré positivement, même si ce fut inefficacement, à une conciliation entre Versailles et Paris.

Les « opportunistes » eux-mêmes ont droit à ces repentirs. La phrase très critique « Et si maintenant, je me mets en face des événements, des travailleurs, de ce parti républicain qui, avant sa castration par les opportunistes, représentait non seulement l’avenir de la France, mais celui de l’Humanité … »(1876, p.513), disparaît de l’édition de 1896. Disparue l’importante mention : « L’opportunisme n’est pas d’hier. Il naquit le 19 mars 1871, eut pour parrain Louis Blanc et Cie, fut baptisé du sang de trente mille Parisiens. » Et en même temps, je le souligne au passage, une note consacrée à Robespierre qui reflétait assez bien l’attitude ambiguë que ceux qu’on dit si facilement « jacobins » de la Commune (et surtout les blanquistes) avaient pour le « pontife » Robespierre[21]. Le seul Louis Blanc n’est jamais épargné pour ses « trahisons ».

 Se dégage dès lors clairement l’idée que la Commune a  fait ou sauvé la République.  Lissagaray le faisait déjà dire à Delescluze dans La Vision de Versailles : « Vous ne savez donc pas que sans ses morts et ses proscrits, votre Moloch républicain eût été balayé dès la première heure ? » C’est là un argument de plus en plus  répandu chez les socialistes de toutes tendances  dans les années 1890 et 1900. Vaillant peut déclarer  dans un discours à la Chambre des députés en1894 : « C’est grâce à la Commune que la République existe. S’il y a actuellement la République en France, c’est à la Commune que vous la devez. Mais la République n’est que nominale, et c’est nous les communeux, les socialistes, les révolutionnaires qui fonderont, dans sa vérité politique et sociale, cette république que nous avons sauvée en 1871. »

Lissagaray va même plus loin dans le final qu’il intitule « 1896 » :

« Et si maintenant je me mets en face des événements qui suivirent, n’ai-je pas le droit de demander encore :

« Est-il vrai que la grande majorité de l’Assemblée de Bordeaux voulait rétablir une monarchie et qu’elle n’ait reculé qu’après la Commune ?

Est-il vrai que l’écrasement de Paris ait permis aux réactionnaires de se perpétuer quatre années au pouvoir et de se battre encore quatre années sous le couvert de Mac-Mahon ? »

Mais surtout, et la phrase devrait peut-être faire réfléchir davantage quelques-uns des laudateurs de Lissagaray qui se veulent de gauche extrême :

« Est-il vrai qu’en écoutant la voix de Paris, on eût épargné à la France quatre années de luttes stériles, d’angoisses mortelles, l’avènement de cette politique énervante et oblique qui est la négation de notre génie national ? »

Cet apaisement peut s’expliquer par le contexte des lendemains de la crise boulangiste. Par son journal La Bataille, Lissagaray a joué un rôle éminent dans la réunion des républicains se dressant contre l’aventure de l’apprenti dictateur qu’était devenu le général Boulanger, appuyé sur le clergé et les monarchistes. II est l’un des principaux animateurs du groupe dit des « cadettistes »[22]. L’explication serait trop courte. Il faut poser plus largement la question de savoir quel est pour Lissagaray le sens de la Commune : on notera qu’il préfère dire la plupart du temps seulement  « la Révolution du 18 mars ».


3/  Le problème du sens


On chercherait en vain chez lui une véritable définition de ce qu’a été ou de qu’aurait tenté d’être le gouvernement révolutionnaire de la Commune  – problème sur lequel tant d’auteurs, alors et depuis, se sont interrogés. Lissagaray élude là une question  qui paraît ne l’intéresser que médiocrement. Il a même  - c’est un ajout de1896 - cette phrase en somme minimaliste : 1871 «  ne fut sans doute qu’un combat d’avant-garde, où le peuple, comprimé dans une lutte militaire savante, ne put déployer ses idées ni ses légions ; aussi n’a-t-il pas la maladresse d’enfermer la Révolution dans cet épisode  gigantesque. » On est loin du « Paris ouvrier avec sa Commune, […] glorieux fourrier d’une société nouvelle » de Marx, qu’on a volontiers dit son maître.

 Pour les contemporains de Lissagaray auteurs d’histoires de la Commune, Benoît Malon[23], Gustave Lefrançais[24] (leurs histoires sont publiées à chaud en 1871), ou Arthur Arnould (1878), plus réfléchi, le sens de l’histoire est perçu d‘emblée ; tous posent d’abord leur idée-force. Malon voudrait situer la Commune dans une histoire, bien superficielle, qui est à la fois récente et millénaire du prolétariat français et de la « révolution sociale ». C’est la « troisième défaite » du prolétariat, après celle de 1832, l’insurrection des canuts lyonnais[25], et celle de Juin 1848, « seconde Saint-Barthélemy de prolétaires ». Mais aussi bien 1871 soulève à nouveau un problème qui se pose depuis « six mille ans » : « Comme il y a six mille ans, il existe une minorité insolente et cruelle qui jouit des sueurs, des souffrances, des privations qu’elle impose à la minorité. »

Pour Lefrançais, 1871 est la révolution sociale qui s’édifie sur les bases « libertaires » posées par l’Internationale, et, au premier chef, la souveraineté directe du peuple que peut seule garantir la Fédération des communes. Pour Arnould, 1871 fait la preuve de  l’abolition nécessaire de l’État et son remplacement par la Fédération libre des communes « anarchiques ».

 Lissagaray est dès 1876 infiniment plus prudent, et probablement en cela plus historien : son projet, qu’il ne réalisera pas, était sans doute au départ de montrer combien serait nécessaire un travail – toujours à effectuer aujourd’hui - qui situerait la Commune dans la  vaste  fresque d’une histoire du « quatrième état » depuis 1789. « L’histoire du Quatrième État depuis 1789 devait être le prologue de cette histoire. Mais le temps presse, […] je me limite aujourd’hui à l’introduction strictement nécessaire. » (Introduction à l’édition de 1876). Il brosse en une dizaine de pages qui seront largement développées dans les éditions suivantes, le tableau de l’abandon  politique par la « haute bourgeoisie » des idéaux de 1789 dans son souci de  « clore la Révolution » : son acquiescement à Bonaparte et à  la centralisation politique, sa « mutinerie » de 1830 qui n’est que la préservation de ses nouveaux privilèges et la preuve de son incapacité à gouverner ; en 1848 enfin, son incapacité à retenir le pour voir en « ses mains goutteuses », d’où le succès du second  Bonaparte.  Il se contente  d’une histoire toujours améliorée de l’événement de 1871.

Autant les autres témoins ont leurs certitudes premières, définitives, sur la signification de 1871, autant il faut souligner l’impossibilité, peut-être plutôt le refus chez Lissagaray d’une définition théorique, « socialiste ». de ce que fut ou tenta d’être la Commune.

Dans les Huit journées, auxquelles il avait donné comme préface la Déclaration au Peuple français d’avril 1871, il était question, quoique brièvement, de « République fédérative ». La révolution du 18 mars révèle « l’avènement d’un droit nouveau, le droit économique, ayant pour drapeau la République fédérative, pour soldat la classe laborieuse. ».

En 1876, (p. 147), et les termes sont repris dans l’édition de 1896, au chapitre  La Proclamation de la Commune, il n’est plus question que d’indépendance communale. « Il y a là une force immense au service d’une idée définie : l’indépendance communale. Force inappréciable à cette heure d’anémie universelle, trouvaille aussi précieuse que la boussole échappée au naufrage et qui sauve les survivants. » « L’union de notre aurore renaît. La même flamme réchauffe les âmes, ressoude la petite bourgeoisie au prolétariat, attendrit (1876 « amollit) la bourgeoisie moyenne.  À de tels moments, on peut refondre le peuple. »

Indépendance communale et décentralisation. Une décentralisation qui se dit différente de celle qu’envisagent les Libéraux. « Libéraux, si c’est de bonne foi que vous réclamiez la décentralisation sous l’Empire, républicains, si vous avez compris Juin et Décembre, radicaux, si vous voulez réellement le peuple se gouvernant lui-même, entendez la voie nouvelle, virez de bord, orientez la voile à ce vent de la renaissance. » (1876, p. 147). Le passage est repris, légèrement affaibli, en 1896 : « républicains, si vous avez compris pourquoi Juin et Décembre, si vous voulez le peuple de lui maître… ». Mais qu’entendre par la décentralisation libérale. « Ils sont là, toujours côte à côte, comme en 91, 94, 1848, les monarchistes, les cléricaux, les libéraux tous, les poings tendus contre le peuple, même armée sous des uniformes divers. Leur décentralisation, c’est la féodalité rurale et capitaliste, leur self-government, l’exploitation du budget par eux-mêmes, comme toute la science politique de leur homme d’État n’est que le massacre et l’état de siège ».

On reconnaîtra que la définition est loin d’être claire, et on ne sait d’autre part pratiquement rien de ce que sera la décentralisation neuve, « réservoir de forces inespérées », « Paris capable d’enfanter un monde nouveau. » Le texte  avait été extrêmement simplifié dans l’édition anglaise de 1877/1886, l’explication obscure de la décentralisation « libéralo/féodale » supprimée, sans doute à l’initiative de Marx, en même temps que s’amorçait une sensible transformation de la réflexion sur le sens de l’événement de 1871.

« Here was an immense force at the service of a definite idea communal independence, the intellectual life of France - an invaluable force in this time of universal anaemia, a godsend as precious as the compass saved from the wreck and saving the survivors.  This was one of those great historical turning points when a people may be remoulded. »

« Liberals, if it was in good faith that you called for decentralization under the Empire ; Republicans, if you have understood June, 1848, and December, 1851 ; Radicals, if you really want the self-government of the people - listen to this new voice, avail yourselves of this marvellous opportunity. »

 

Lissagaray se montre au Chapitre XVI particulièrement, voire excessivement sévère pour la Déclaration du 19 avril, le « manifeste de la Commune », et ce, dès l’édition de 1876.

« Tel qu’il était, ce programme obscur, incomplet, dangereux sur plusieurs points, ne pouvait, malgré des pensées fraternelles, éclairer suffisamment la province. Au reste du monde, elle (la Commune) ne disait rien. Cette Révolution faite au cri de la République universelle paraissait ignorer l’immense famille ouvrière qui l’observait anxieusement. L’Hôtel de Ville de 1871 restait en arrière da la Commune de 1793. ». Il ajoute en 1896 un petit mot désagréable à l’égard de Vallès, incapable de rédiger lui-même la déclaration, la confiant à Pierre Denis, « ergoteur à humilier les héros de Pascal. »

La critique se fait toujours plus vigoureuse : elle n’est d’ailleurs pas sans portée.

« Cette boutade de Paris ville libre éclose aux premières colères du Wauxhall[26] ». « Paris devenait ville hanséatique, se couronnait de toutes les libertés, et du haut de ses forteresses, disait aux communes de France enchaînées : 'Imitez-moi si vous pouvez, je ne ferai rien pour vous que par l’exemple […]. Ce joli projet avait tourné la tête à plusieurs membres du Conseil et il en resta trop de traces dans la Déclaration. »

« Qu’attendre, qu’espérer des autonomies de Basse-Bretagne, des neuf dixièmes des communes françaises, plus de la moitié n’ont pas six cents habitants… ».

Critique plus dure encore, faite en 1876 et 1877/1886, mais supprimée en 1896 : « On ne l’a vu que trop. La Commune rurale, autonome, serait un monstre aux mille suçoirs, collé sur le flanc de la Révolution. Non !  Des milliers de muets et d’aveugles ne peuvent contracter entre eux… ».

Lissagaray avait déjà souligné le danger de l’idée d’une République indépendante de Paris qui avait été émise lors des discussions du Comité central de la Garde nationale antérieures au 18 mars. À la séance du 3 mars  « Cette motion fut faite :  ’Que le département de la Seine se constitue en République indépendante au cas  où l’Assemblée décapitaliserait Paris.’ Motion mal présentée, qui semblait isoler Paris du reste de la France ; idée anti-révolutionnaire, anti-parisienne, cruellement retournée contre la Commune. Et qui t’alimentera, Paris, sinon la province ? Et qui te sauvera, frère des campagnes, sinon Paris ? »

Ceci posé, on voit mal ce que Lissagaray propose à la place. Il fait pourtant mais très, trop rapidement, une allusion qui me paraît importante à la « commune-canton », sans davantage de commentaire dans les deux éditions. Idée, dit-il, « qu’on aurait pu reprendre » C’est cependant là, me semble-t-il, faire référence à un texte politique majeur de 1851, Gouvernement direct, Organisation communale et centrale de la République. Projet présenté à la Nation pour l'organisation de la Commune, texte dont j’ai cru pouvoir montrer qu’il était une étape décisive de la réflexion républicaine décentralisatrice, et même clairement « communaliste » des années 1840-1850 qui conduit très directement  à la Déclaration d’avril 1871[27]. Lissagaray ne s’attarde pas, comme par manque d’intérêt pour le problème du sens  théorique de la révolution communale.

En réalité, c’est la réaction d’abord et toute républicaine du Comité central de la Garde face à l’Assemblée royaliste des ruraux qu’il met constamment en lumière et en valeur. Ce qu’a fait l’Assemblée communale, sur le travail et l’œuvre de laquelle il se montre très critique, ne l’intéresse au fond que médiocrement.

Dans l’édition de 1876 : « L’honneur, le salut du Comité (central de la Garde) fut de n’avoir qu’une pensée, rendre le pouvoir à Paris. […] Il se composait heureusement de  nouveaux venus  sans passé  ni prétentions politiques, fort peu soucieux des systèmes, préoccupés avant tout de sauver la République. À cette hauteur vertigineuse, ils n’eurent pour les soutenir qu’une idée, mais l’idée logique, parisienne pas excellence, assurer à Paris sa municipalité. » Simple municipalité donc ici.

Le texte est repris dans l’édition de 1877/1886 : « The Committee, to its great honour, had only one thought, to restore its power to Paris. Had it been sectarian, hatching decrees, the movement would have ended like that of the 31st October. […] At this giddy height they had but one idea to sustain them, that of securing to Paris her municipality. » Mais intervient un ajout : « Towards the end of the Empire, the idea of an elective municipal council had taken root ; it had to a certain extent been put into practice during the siege, and now its total realization could alone console Paris for her decentralization. » L’ajout est maintenu dans l’édition de 1896 : « C’était, sous l’Empire, le thème favori de la Gauche[28], par là que Jules Ferry, Picard avaient gagné la bourgeoisie parisienne très humiliée de sa minorité de quatre-vingts ans, scandalisée des tripotages d’Haussmann. Pour le peuple, le Conseil municipal, c’était la Commune, la mère d’autrefois, l’aide aux opprimés, la garantie contre la misère. »

Mais dans l’édition anglaise de 1877/1886, le texte a été radicalement transformé par un autre ajout, apparemment considérable.  « This emancipation they expected from the autonomous Commune, sovereign within the limits compatible with the maintenance of the national unity. The communal constitution was to substitute for the representative lording it over his elector the strictly responsible mandatory. The old state power grafted upon the country, feeding upon its substance, usurping supremacy on the foundation of divided and antagonistic interests, organizing for the benefit of the few, justice, finance, army, and police, was to be superseded by a delegation of all the autonomous communes. »  Passage très clairement marxien, qui est repris dans l’édition allemande de 1877. Marx écrit alors à son correspondant allemand Wilhelm Blos, chargé en 1877 de la traduction allemande du chef d’œuvre : « As regards the ’suppression de l’État’, an expression which Lissagaray himself will be altering in the 2nd French edition, the sense is no different from that expounded in my pamphlet on the ‘Civil War’ in France. In short, you can translate it ‘abolition (or suppression) of  the class state’. »  Eleanor Marx qui, a aidé Lissagaray dans ses dépouillements,  notamment de presse, et l’a traduit le précise s’il le faut, plus clairement encore dans sa préface.

« Nor is it enough that we should be clear as to the ‘atrocities’ of the Commune. It is time people understood the true meaning of this Revolution ; and this can be summed up in a few words. It meant the government of the people by the people.  It was the first attempt of the proletariat to govern itself. The workers of Paris expressed this when in their first manifesto they declared they ‘understood it was their imperious duty and their absolute right to render themselves masters of their own destinies by seizing upon governmental power’. The establishment of the Commune meant not the replacing of one form of class rule by another, but the abolishing of all class rule. It meant the substitution of true co-operative, i.e., communist, for capitalistic production, and the participation in this Revolution of workers of all countries meant the internationalizing, not only the nationalising, of the, land and of private property. »

 Reste  – on l’a occulté, ou oublié -  que Lissagaray dans l’édition « définitive » de 1896, s’est purement et simplement débarrassé de ces ajouts marxiens. Je passe sur nombre d’autres exemples, celui-ci me paraissant essentiel et suffisant[29]. N’aurait-on pas ici quelque peu négligé le beau précepte que Lissagaray avait posé dans son introduction à l’édition de 1876 : « Celui qui fait au peuple de fausses légendes révolutionnaires,celui qui l’amuse d’histoires chantantes est aussi criminel que le géographe qui dresserait des cartes menteuses pour les navigateurs. »

C’est là  la position réelle du socialisme français des débuts du XXe siècle devant ce que j’ai appelé la « transfiguration » par Marx de la Commune dans La Guerre civile. Clairement, en 1900, - il y faut toute de même l’autorité et la garantie d’un gendre -  Charles Longuet le dit avec une prudente fermeté dans sa préface à la première édition française de La Guerre civile qu’il a lui même traduite : « Ce que l’on peut soutenir sans trop d’invraisemblance, c’est que, ayant à définir théoriquement la Commune, l’auteur de La Guerre civile devait se sentir gêné, non par les actes de l’Assemblée parisienne, mais par le fait historique que la Commune n’avait pas su se bien définir elle-même. Il ne convient pas de donner ici l’analyse de la Déclaration adopté par elle le 19 avril. […] La critique en a été faite, en quelques pages décisives, par Lissagaray dans sa belle Histoire de la Commune. Je me borne à y renvoyer le lecteur. » Le texte de Longuet est encore reproduit dans l’édition de La Guerre civile de 1925  à la Librairie de L’Humanité. Il disparaît des éditions françaises « marxistes » à partir de  1936.

 Lissagaray s’en tient, on le voit, pour sa part à l’idée d’une municipalité parisienne et républicaine, écho profond selon lui de la Commune de 1792/1793. Il va même jusqu’à souligner de surcroît que, n’eût été  l’intransigeance de Versailles, le 18 mars et la Commune n’auraient peut-être pas eu lieu. Est-ce à dire aussi bien qu’elle n’aurait pas dû avoir lieu ? 

C’est ce qu’on trouve pratiquement dès l’édition de1876 :

« Est-il vrai que, dans les premiers jours, la reconnaissance de la République, le vote d’une bonne loi municipale, l’abrogation des décrets de ruine, eussent tout pacifié ? Est-il vrai que Versailles ait obstinément refusé toute transaction ? » Ce passage, lui aussi minimaliste, avait disparu de l’édition de 1877/1886 (à l’instigation de Marx ?) : il est restauré, à peine modifié, dans celle de 1896.

 Il suffit à Lissagaray, pour toute définition, de faire référence – une référence bien imprécise -  à la Commune de 1792/1793, «  la mère d’autrefois » C’et que la petite bourgeoisie guidait alors  et représentait le « quatrième état ». Avec la Fédération de la garde nationale et le Comité central, dont l’histoire est pour lui bien nettement plus importante que celle du Conseil communal, 1871 a été l’esquisse, la démonstration de la possibilité enfin de cette réunion nécessaire de la petite bourgeoisie et du prolétariat, les deux « classes » dont l’unité forme précisément « le Peuple » et qui doit se prolonger pour que  la « vraie » République s’instaure. De là sans doute l’abandon du terme de « quatrième état » qui opposerait Tiers (auquel appartient la petite bourgeoisie) et Quart peuple.

Lissagaray  prévoyait dans les Huit Journées… une coalition « imminente, facile » du prolétariat et de la classe moyenne, « car il est un minimum de réformes sociales sur lesquelles l’accord peut se conclure immédiatement. » Dans le post-scriptum « 1896 », il peut écrire : « La soudure est presque faite entre ces deux classes qui constituent – parce qu’elles seules produisent – le véritable peuple français. »

La conclusion de l’édition de 1896 reprend, en la développant encore, les mots de  1876 disparus – toujours sur suggestion de Marx ? - de l’édition de 1877/1886 :

« La Révolution du 18 mars était un rappel à l’ordre adressé par le peuple républicain de France à tous les revenant des anciens régimes. Elle a donné aux travailleurs conscience de leur force, tracé la ligne bien nette entre eux et la bourgeoisie massacrante.  Elle a éclairé les relations des classes d’une telle lueur que l’histoire de la Révolution de 89 en a été illuminée et qu’il faut désormais la reprendre en sous-main. » (1896 en sous-œuvre).  Ajoutons encore qu’est ici encore gommée l’allusion blessante de 1876 « Grâce à elle, le travailleur ne s’attroupera plus devant les jongleries radicales. »

« La révolution du 18 mars était aussi un rappel au devoir adressé à la petite bourgeoisie. Elle disait : Réveille-toi, reprends ton rôle initiateur ; saisis le pouvoir avec l’ouvrier et remettez tous deux la France sur ses rails. » On notera  l’ajout du post-scriptum « 1896 » : « Trois fois le peuple a fait la République pour les autres ; il est mûr pour la sienne. » Il me semble qu’on pouvait attendre :  trois fois le peuple fit la révolution … Mais c’est  de République qu’il est question.

 Contrairement à ce qu’a avancé  longtemps une postérité socialiste, Lissagaray n’a été que brièvement, superficiellement orienté par Marx vers une interprétation anti-étatique de 1871. En 1896, il est revenu à sa première lecture de 1871 qui était déjà celle des Huit journées.

C’était là le sens de son projet d’histoire du quatrième état, histoire de la réconciliation du Tiers révolutionnaire avec celui-ci pour la construction de la République, continuation de la Révolution  n’est pas « close ». La révolution purement politique faite, il reste à régler la question sociale ; Lissagaray dit d’ailleurs plutôt (comme fait Gambetta ?) « les questions sociales ». Ce sera l’œuvre de la République vraie – bien que Lissagaray n’accole jamais aucun adjectif, qui ne serait qu’un diminutif, au grand mot. La seule commission de la Commune à laquelle il veut bien attacher quelque importance, dont il décrit un peu longuement les efforts  est celle du Travail et de l’échange. L’appréciation est cruelle : « En résumé, sauf la délégation du Travail, où l’on cherche, les autres délégations fondamentales durent insuffisantes. »1876 disait « impuissantes ». On ne doit pas oublier que beaucoup des proscrits de la Commune en Angleterre n’appréciaient pas l’Histoire de Lissagaray. Vallès en témoigne abondamment : « Quelques affolés du pédantisme se trouvent parfois sur mon chemin. Lissagaray […] est de ceux-là. Il ne parle pas de son livre, on ne lui en parle guère, et ce silence indique ce qu’on en pense. À peine quelques-uns le défendent. » Pour lui, Lissagaray, c’est « Paturot dans la peau de Carrel »[30].

C’est là une interprétation, et c’est celle dont je me suis progressivement rapproché ; ce n’est pas nécessairement la meilleure. Au moins faut-il avoir en main tous les éléments de la discussion, qui est fondamentale, sur la signification de la Commune. L’Histoire de Lissagaray est histoire immédiate. Comme telle, elle est aussi un témoignage  – un aspect qu’on  néglige peut-être trop dans le débat histoire et mémoire –, source vive dont on m’accordera, je pense, qu’elle est d’exceptionnelle qualité. Et l’évolution même de son interprétation du sens de la Commune est également un témoignage, qu’on ne saurait négliger. À quoi j’ajouterai encore deux arguments qu’il aurait sans doute valu la peine de développer. Le premier, le seul alors et pour longtemps, Lissagaray expose  en détail les événements de province, le rôle notamment des Ligues provinciales de défense nationale, du Midi, du Sud-Ouest, de septembre 1870 à l’armistice, la signification de la révolte avortée des villes provinciales : ces événements tiennent même une place sensiblement plus grande que celle qui est accordée à l’Assemblée communale parisienne. N’oublions pas que Lissagaray était un provincial, et que, délégué du Gouvernement de Tours, il avait bien connu cette province, celle du moins qui avait contribué vigoureusement à la défense nationale. Il est le seul également à s’attarder sur les tentatives de conciliation entre Versailles et Paris de la Ligue d’Union républicaine des Droits de Paris, de l’Union nationale des Chambres syndicales, des délégations de villes de Province, qui se sont multipliées  pendant toute la période de l’insurrection. Ces deux points sont essentiels pour le récit qu’il fait du rôle de la bourgeoisie, moyenne ou petite, qu’il critique durement en 1876, dont il tend à réhabiliter l’action en 1896. Ce sont aussi deux points que depuis assez peu les historiens ont appris à considérer comme indispensables à la compréhension des événements de 1870-1871 [31].

Peut-être importe-t-il peu à beaucoup  qu’on ait là  une histoire de bonne cuvée « socialiste » ou un histoire seulement et simplement républicaine : la Commune était sociale et républicaine tout à la fois. Mais replacer 1871 dans la perspective nationale de 1789 et du cycle révolutionnaire qui suit, c’est ce qu’aujourd’hui nous tendons de plus en plus à considérer comme nécessaire. Lissagaray a eu très tôt ici une intuition forte.




[1] On connaît au fond plutôt mal l’auteur. Il n’existe à ma connaissance qu’un seul et rapide essai biographique : René Bidouze, Lissagaray, La plume et l'épée, Paris, Ed. Ouvrières, La part des hommes, 1991. A paru récemment une brève étude de l’œuvre, en faux ou bien maladroit parallèle avec les Mémoires de Louise Michel, deux livres qui n’ont rien de commun : Amélie NIcolas, Êtude de deux témoignages historiques de la Commune de Paris : « Histoire de la Commune de 1871 » de Prosper-Olivier Lissagaray et « La Commune de Paris, histoire et souvenirs » de Louise Michel. Mémoire de maîtrise sous la direction de C. Pomeyrols, Université de Nantes, 2002 (Prix Jean Maitron 2003).

[2] La Vision de Versailles, par Lissagaray, Bruxelles, Librairie socialiste, 1873. Reprint de ce texte rare dans Les Révolutions du XIXe siècle 1852-1872, La Commune de Paris 1871, volume VII, EDHIS, s. d.

[3] Jules Lemonnyer, Essai bibliographique sur les publications de la proscription française ou catalogue raisonné d’une bibliothèque socialiste, communaliste et de libre pensée, Versailles, au Palais de l’Assemblée nationale, 1873.

[4] Geschichte der Commune von 1871. Autorisierte deutsche Ausgabe nach dem vom Verfasser vervollständigten französischen Original. Braunschweig, Bracke Jr., 1877.

[5] Geschichte der Commune von 1871, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1971. Unveränd. Nachdr. d. deutschen Übers. aus d. Jahre 1877.

[6] History of the Commune of 1871, Reeves and Turner, London, 1886. Eleanor Marx précise :  « The following translation of Lissagaray’s Histoire de la Commune was made many years ago (1877), at the express wish of the author, who, besides making many emendations in his work, wrote nearly a hundred pages especially for this English version. »

[7] History of the Commune of 1871, Translated by Eleanor Marx Aveling, second edition, International Publishing Co., New York, 1898.

[8] Histoire de la Commune de 1871. Nouvelle édition précédée d'une notice sur Lissagaray par Amédée Dunois, Paris Librairie du Travail, 1929 ; réédition 1947.

[9] Il est de bon ton de voir en lui le dernier combattant de la dernière barricade de la Semaine sanglante, rue Ramponneau à Belleville, mais sans preuve aucune.

[10] Voir, notamment sur ces deux points, Robert Tombs, La Guerre contre Paris,1871, Aubier, L’Univers historique, 1997.

[11] Du moins pour les séances du Comité qui sont antérieures au 18 mars 1871. Après cette date, les procès-verbaux du Comité existent ; ils sont conservés au S.H.A.T.

[12]  Ils ne seront publiés que bien plus tard par Bourgin et Henriot, le tome I en 1924, et 1945, le tome II.

[13] Enquête parlementaire sur les actes du gouvernement  de la défense nationale, 11  volumes in-4°, 1872 à 1875.

[14] Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars 1871 : rapport de la commission, rapports de la sous-commission, rapports de MM. les Premiers Présidents de Cours d'Appel, rapports de MM. les Préfets, rapports de MM. les Chefs de Légion de gendarmerie, dépositions des témoins, pièces justificatives, table générale. – Paris : A. Wittersheim & Cie-Germer-Baillière, 1872.

[15] Rapport d'ensemble de M. le général Appert sur les opérations de la justice militaire relatives à l'insurrection de 1871, présenté à l'Assemblée Nationale par ordre de M. le Maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, président de la République française, par M. le général de Cissey, ministre de la Guerre. Annexe au procès-verbal de la séance du 20 juillet 1875. n° 3212. Année 1875. Assemblée Nationale.

[16] « Aux proscrits de 1871. - Tous les réfugiés de la Commune sont instamment priés d'assister à une assemblée générale qui aura lieu jeudi soir, 23, à 8 heures précises, à Cannonbury Tavern, 1, St-Mary-Street, Cannonbury square, Islington. Il sera soumis à cette assemblée un projet d'enquête sur la Révolution sociale du 18 mars, en réponse aux calomnies de l'enquête versaillaise. Les défenseurs de la Commune ne peuvent sous aucun prétexte se dispenser d'assister à cette réunion où il s'agira de l'honneur et de la dignité de leur idée. »

[17] Je n’indique les paginations que pour l’édition de 1876, unique et rare. L’abondance des rééditions françaises, anglaises, allemandes de 1887, 1886 et 1896 rendrait pour celles-ci la tâche impossible.

[18] « the Marseillaise, a hot mish-mash of doctrinaires and desperate writers »

[19] Est-il besoin de rappeler que Varus est le vaincu de la bataille de la forêt de Teutoburg, au cours de laquelle les légions romaines furent écrasées par les Goths Chérusques commandés par Arminius, ou Hermann, le héros national des Allemands du XIXe siècle. Tout comme Napoléon III vient de l’être à Sedan. Lissagaray, qui naturellement connaît bien ses classiques, adore le rapprochement : « A Bordeaux, j’entends une Assemblée hurler après l’Empire et, à Versailles, des clameurs enthousiastes pour le grand seigneur qui déclame : “Varus, rends-nous nos légions !” »

[20] Arthur ARNOULD, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris [Bruxelles, 1878]. – Lyon, éd. Jacques-Marie Laffont et associés, 1981 (col. Demain et son double).

[21]« Il (l’opportunisme) ressuscita, dirais-je, si ce n’était faire trop d’honneur à ces eunuques que de les rapprocher de Robespierre qui fait à côté d’eux figure de héros. Mais comment empêcher la pensée de remonter au pontife, déclarant inopportun l’élan républicain de Juin-Juillet 1791 ; inopportuns les cris de Paris affamé par les ‘accapareurs’ ; inopportun le peuple demandant un seul article en sa faveur dans la Constitution de 1793 […] inopportun le grand mouvement contre le culte ; inopportuns les socialistes et Jacques Roux qu’il fait mourir ; […] inopportun enfin tout ce qui n’est pas coupé et tondu sur son aimable patron, jusqu’au jour où il est déclaré lui-même inopportun par la haute bourgeoisie qui trouve aussi facile d’opportun de l’avaler d’une bouchée quand il a bien purgé, saigné, muselé pour elle le lion révolutionnaire. »

[22] Républicains de toutes nuances, même les plus modérées, ils se réunissaient dans une salle de la rue Cadet du IXe arrondissement.

[23] La Troisième défaite du prolétariat français, Neuchâtel, G. Guillaume Fils, 1871 (réédition en reprint Paris, EDHIS, 1968).

[24] Histoire de l’insurrection communaliste de 1871, Neuchâtel, G. Guillaume fils, 1871 (même réédition).

[25] qu’il date, par une erreur tout de même grossière, de 1831.

[26] Casino du XIe arrondissement où se réunissaient avant le 18 mars les délégués à la Fédération républicaine de la Garde Nationale.

[27] Gouvernement direct. Organisation communale et centrale de la République. Projet présenté à la Nation pour l'organisation de la Commune, de l'Enseignement, de la Force publique, de la Justice, des Finances, de l'État, par les citoyens H. Bellouard, Benoît du Rhône, F. Charassin, A. Chouippe, Erdan, C. Fauvety, Gilardeau, C. Renouvier. J. Sergent, etc., Paris, Librairie républicaine de la Liberté de penser, 1851, 461 p. On en doit une réédition à Raymond Huard en 1999.

[28] Plus exactement d’un  certain nombre de députés libéraux d’opposition qui avait formulé lors d’un colloque à Nancy en 1865 un Projet de décentralisation, résumé en quatre propositions : « 1° Fortifier la commune, qui chez nous existe à peine ; 2° Créer le canton qui n'existe pas ; 3° Supprimer l'arrondissement, qui ne répond à rien ; 4° Émanciper le département. »

Des républicains, non des moindres, s’étaient joints à eux, Ferry, Jules Simon, Jules Favre, Carnot… mais non Gambetta, obstinément resté sur des positions « centralisatrices ».

[29] Ce qui pose d’ailleurs la question de savoir à quelles éditions les historiens d’autrefois et même d’aujourd’hui se réfèrent. Les anglo-saxons utilisent encore  celle de 1886, consultable aujourd’hui facilement sur internet au site www.marxists.org/history/france/archive. Les socialistes allemands ont longtemps privilégié cette édition ; les historiens est-allemands l’ont encore rééditée à l’occasion du  centenaire de 1871 ; voir la note 5.

[30] Jules Vallès, Jacques Vingtras. Le proscrit : correspondance avec Arthur Arnould, Êditeurs français réunis, 1950, passim.

[31] Depuis seulement la publication du livre, petit mais fondamental, de Jeanne Gaillard, Communes de province, Commune de Paris 1870-1871, Paris, Flammarion, collection Questions d’histoire, 1971, et celle de son article « Les papiers de la Ligue républicaine des Droits de Paris », Le Mouvement social, 56, Juillet-septembre, 1966, p.65 à 87.

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