étrangers à ParisTrès peu de travaux ont été consacrés à l’immigration étrangère à Paris avant la fin du XIXe siècle. Les sources sont peu nombreuses, pas toujours fiables. Les recensements parisiens ne donnent un compte par nationalité des étrangers résidant dans la capitale qu’à partir de 1851 (avec une lacune en 1856) et en minorent certainement l’importance.
On s’est intéressé ici particulièrement à une source qui peut paraître inattendue. Un nombre non négligeable d’étrangers a participé à l’insurrection communaliste parisienne ; leurs cas ont fait l’objet de constitution de dossiers, conservés au SHAT, souvent riches de renseignements, en vue de leurs procès en conseil de guerre. Le rapport sur l’insurrection du général Appert en 1875 dénombrait « 1 725 étrangers environ » arrêtés (5% à peu près du total des 36.309 inculpés), pour l’essentiel des hommes. 757 Belges, 215 Italiens, 201 Suisses, 154 Hollandais, 110 Polonais, 100 Allemands (dont en réalité 19 Autrichiens), pour ne retenir que les communautés les plus importantes. 1.236 ont fait l’objet d’un non-lieu (1.205 hommes, 19 femmes, 12 enfants) dont les dossiers ont été malheureusement détruits pour l’essentiel. 62 ont été expulsés du territoire français, 436 retenus pour jugement : important petit corpus qui ne comprend pas les condamnés par contumace et qui a été ici abondamment exploité.[1]
On tentera ici de faire un point rapide sur le problème des étrangers à Paris au moment de la chute du Second empire. Une seconde source est ici essentielle, quoique souvent contestable : le Paris Guide, élaboré à l’occasion de l’Exposition universelle de 1867, qui consacre neuf articles à ce qu’il nomme, improprement, les « colonies » étrangères.[2]
On ne s’attardera pas sur les problèmes que pose la définition juridique de l’étranger. Pour l’essentiel et quoi qu’on en dise, la législation en la matière est depuis assez longtemps claire, et la loi du 22 mars 1889 n’a fait que la préciser et la consolider, assouplissant considérablement les conditions de la naturalisation. Dans la pratique, un certain flou subsiste et cela peut affecter certaines de nos sources. Ainsi, la femme étrangère d’un Français a été recensée en 1866 comme étrangère, bien qu’elle soit devenue légalement française par son mariage, et inversement la femme française d’un étranger est recensée comme française. Qu’il s’agisse des recensements précédant celui de 1886 ou des décisions de la justice militaire contre les insurgés de 1871, c’est simplement le lieu de naissance qui est choisi quand il s’agit de déterminer la nationalité. Un certain nombre d’étrangers sont nés en France et sont recensés ou répertoriés par la justice militaire comme Français ; à l’inverse, 4% par exemple des insurgés classés comme belges sont nés en Belgique de parents français, donc Français. Ce n’est qu’à partir des recensements de 1886 et 1891 qu’il sera mis un peu de clarté dans ces problèmes. On constate alors qu’un bon quart des étrangers est né en France, dont 17% dans Paris même.
Choisissant de nous axer sur l ‘événement populaire qu’est la Commune, on portera peu d’attention aux « élites » immigrées, importantes économiquement à Paris, généralement, mais pas nécessairement naturalisés. Jacques Dubochet, avocat et journaliste, l’un des fondateurs de l’Illustration en 1843, depuis 1855 secrétaire général de la compagnie parisienne du gaz, n’a été naturalisé qu’en avril 1848, à l’âge de cinquante ans. Le compositeur César Franck ne demande sa naturalisation qu’en 1871, à quarante-neuf ans, pour pouvoir occuper le poste de professeur d’orgue au Conservatoire. La haute banque se trouve presque exclusivement entre les mains de deux nations étrangères, les Suisses (principalement les Genevois) et les Allemands. Les Suisses sont négociants, petits entrepreneurs, membres des professions libérales, du barreau, enseignants, journalistes, libraires ; Paris compte une remarquable communauté de médecins allemands. On négligera de même façon le cas des Anglais (8.000 selon le recensement de 1866) et Américains (4.000), qui ne se sont sentis que très lointainement concernés par les événements de Paris, sinon comme témoins ou comme curieux. 50% des premiers, 55% des seconds habitent en 1872 dans les élégants et bourgeois VIIIe, IXe et XVIe arrondissements.
Il est malaisé d’établir avec exactitude le nombre des étrangers à Paris : on fait mal la part entre ceux qui résident dans la capitale de façon longue ou permanente, et les travailleurs instables, les visiteurs et touristes. Ils seraient, selon les recensements de population, 104.074 en 1866 (56.252 hommes, 44.861 femmes, 5,8% de la population), et 99.484 en 1872. Chiffres à la fois sous-estimés et inexacts. Les étrangers naturalisés sont quant à eux encore une infime minorité : 2.512 en 1866, 4.032 en 1872.
La communauté allemande était de loin la plus importante de Paris. Le recensement de 1866 dénombrait à cette date 30.356 Allemands dans Paris (34,273 dans la Seine), mais « y compris les provinces allemandes de l'empire d'Autriche ». Leur nombre chute naturellement en 1872 , de moitié au moins, en 15.739, à quoi il faudrait ajouter 1.803 Austro-Hongrois. En réalité, à la veille de la guerre, le nombre des Allemands pourrait se situer entre 60 et 70.00. Ils viennent essentiellement de Bavière (une quinzaine de milliers) et du Palatinat, du grand-duché de Bade (7.000), Wurtemberg, des provinces rhénanes de la Confédération allemande du Nord (une trentaine de milliers). Le Paris Guide donne de précieuses indications sur leur localisation[3], empruntées au recensement de 1866, confirmées par l’étude qu’avait menée en 1860 un disciple de Le Play sur « les familles à forte fécondité ». [4] Cette communauté allemande se répartissait en quatre groupes essentiels. Un bon dixième habite le quartier de La Villette, (XIXe arrondissement), plus précisément le lieu dit la Petite Villette, le long et au bord sud de la rue d’Allemagne (aujourd’hui l’avenue Jean Jaurès), dans les rues de Meaux, de Crimée et de Puebla.[5] Ils seraient là 30,000 selon certains. Ce sont pour l’essentiel des ouvriers peu qualifiés et souvent misérables ; balayeurs (venus de Hesse), manœuvres journaliers dans les usines à gaz et les raffineries, carriers, hommes d’équipe des chemins de fer ; femmes et enfants travaillent dans les usines d’allumettes chimiques, les fabriques de passementerie. Un peu moins du dixième réside au Faubourg Saint-Antoine, quartier de la Roquette (XIe) ; ils y forment un groupe beaucoup plus aisé qui travaille, à l’égal des Français, dans l’ébénisterie, la carrosserie, la chaussure. 7% sont installées dans le quartier de Clignancourt (XVIIIe), et travaillent dans la mécanique ou les chemins de fer. 9% enfin - l’élite économique et financière qu’on néglige – réside dans le quartier de la Chaussée d’Antin, avec pour annexe le petit groupe très à la mode des tailleurs allemands, ouvriers et patrons, de la rue Feydeau. Quelques autres menus groupes résident dans le quartier Saint-Marcel (Hessois luthériens, dont la majorité a cependant émigré à La Villette, depuis la création du chemin de fer de l’Est), aux Batignolles, paroisse luthérienne filiale encore de La Villette, à la barrière de Fontainebleau (Bavarois et Rhénans).
Dès la déclaration de guerre commence l’expulsion des Allemands. La plus nombreuse des communautés étrangères à Paris disparaît donc de notre scène. Pas tout à fait cependant : un certain nombre d’Allemands sont demeurés dans la capitale pendant le siège et la Commune. ll est facile d’imaginer les tracas qu’ils ont subis en ces mois de chasse à l’espion prussien. Étonnamment, quelques-uns d’entre eux vont se trouver impliqués, volontairement ou passivement, dans l’insurrection.
Les Belges sont au nombre de quarante à quarante-cinq mille. Le recensement de 1866 n’en dénombrait que 28.430 ; celui de 1872 à 32.912. On en peut évaluer de ceux qui travaillent dans l’industrie à trente ou trente-cinq mille. [6] Une majorité des ouvriers belges semble appartenir aux provinces flamandes. Sur la quarantaine de milliers de Belges, selon divers auteurs, ils seraient au moins 20.000, dont 8.000 installés dans le Faubourg Saint-Antoine. En 1872, hormis leurs élites qui habitent les IXe et Xe arrondissements, ils sont particulièrement nombreux dans les XVIIIe, quartier de Clignancourt (13% de la communauté en 1872), le XIe (12,5%), et le XIXe (10%). Ils travaillent dans les mêmes métiers, des moins aux plus qualifiés, que les Français. Leurs ouvriers ébénistes du Faubourg Saint-Antoine, à l’égal des ébénistes allemands, tailleurs, mécaniciens, et surtout typographes sont des travailleurs particulièrement réputés. Le tailleur observé par Focillon en 1856 est d’origine belge ; il a effectué un tour de France et même d’Europe avant de se fixer à Paris en 1847 à l’âge de trente ans.
Selon le représentant de la Confédération, la colonie suisse se monterait en 1866 à 25 ou 30,000 âmes, « sans compter la population flottante » ; selon les recensements, ils ne seraient que 9.939 en 1866 : 12.400 en 1872. Hormis ceux de la finance, concentrés dans les VIe et IXe arrondissements, ils sont dispersés dans à peu près tous les quartiers.
Les Italiens ne sont encore qu’une petite minorité, d’assez mauvaise réputation. II seraient environ 7,000 : le chiffre concorde pour une fois avec les évaluations des recensements : 7.398 en 1866, et 8.809 en 1872. L’attention des contemporains se focalise alors volontiers sur leurs marginaux, musiciens et vitriers ambulants du Vè arrondissement. En 1870 l’ambassadeur croit pouvoir dénombrer quelque 3.000 musiciens ambulants italiens - on sait par d’ailleurs que 1.544 de ceux-ci avaient été sommairement expulsés au moment de l’exposition de 1867. Les vitriers seraient 300, vivant en chambrées, autour de la place Maubert, et les ramoneurs et fumistes piémontais (d’ailleurs qualifiés de Savoyards), 400. En réalité, les Italiens sont disséminés dans tous les arrondissements, nombreux en 1872 dans les arrondissements centraux, VIIIe à Xe.
On ne sait malheureusement à peu près rien de la communauté des Luxembourgeois, que les recensements confondent dans une même avec les Hollandais, 7.752 en 1872 : le quart habiterait dans le XIXe arrondissement, un dixième dans le XIe. On avance le chiffre de 14.000 Luxembourgeois résidant alors à Paris.
Quant à la colonie polonaise, Il s’agit d’une communauté très particulière, constituée de deux strates au moins : les exilés de l’insurrection de 1830/1831, plutôt conservateur et ceux de l’insurrection de 1863, plus radicaux. [7] Le mémoire des conservateurs polonais, adressé en 1871 à l’Assemblée nationale pour se justifier de toute collusion avec l’insurrection, parle de 1,200 émigrés à Paris. [8] Il ne s’agit que des hommes. Au recensement de 1872, les Polonais sont comptés 2.481, dont 14% dans le XVIIe arrondissement (aux Batignolles où est installée l’école polonaise, boulevard du même nom), mais aussi 20% dans le IVe arrondissement – l’Hôtel Lambert, résidence des princes Czartoryski est dans l’île Saint-Louis. 500, près de la moitié, seraient entrés et ont combattu dans la Garde nationale pendant le siège ; 74 seulement y seraient restés pendant la Commune, « pressés par le besoin, privés de tout travail », comme ce fut sans doute le cas pour bien des Parisiens. Une quarantaine d’autres a cependant servi comme officiers, cavaliers et artilleurs, chirurgiens ou ambulanciers : en tout une grosse centaine.
Sauf exception, les étrangers n’ont jamais formé de collectivité particulière. Les sept auteurs du Paris Guide parlent de « colonies » : expression commode, mais inexacte. Paradoxalement, l’auteur qui traite de la « Colonie belge » souligne que s’« il existe à Paris des colonies anglaise, allemande, italienne, russe, américaine, mais il n'y a pas de colonie belge. » Quant à l’auteur qui traite de la colonie suisse, il souligne qu’elle « n'est point organisée comme telle. « Cette appellation tout idéale » comprend tous les Suisses établis à Paris, à quelque langue, à quelque religion et à quelque classe de la société qu'ils appartiennent. Mieux vaut parler ici simplement de communauté.
En face : comment les ouvriers parisiens de souche française accueillaient-ils cette immigration étrangère ? En 1830, 1840, en mars et avril 1848, Paris avait connu des manifestations hostiles aux étrangers, aux cris de À bas les Savoyards! À bas les Auvergnats ! À bas les Belges !. Les ouvriers étrangers étaient exclus des ateliers nationaux. Il serait excessif de parler alors de xénophobie : il s’agissait de réactions brutales en période de crise violente. L’enquête de 1847/1848 sur l’industrie parisienne soulignait que l’immigration d’ébénistes allemands, commencée dès les années 1820 ne suscitait plus guère d’hostilité. Et dans les premiers mois de la révolution, chaque nationalité étrangère avait son club : Club démocratique allemand, Réunion des ouvriers allemands, Association italienne, Association générale des Belges.Les Polonais se groupaient sous diverses appellations. On retrouve les principaux protagonistes de l’histoire de 1871. On n’a pas trace de troubles à Paris pendant le second Empire. Il semble bien que dans le quotidien populaire, on n’ait guère porté attention à la nationalité de tel ou tel proche. Au pire, on pouvait considérer tel compagnon de travail comme un concurrent, tel habitant de l’immeuble comme un voisin incommode ; un chef d’atelier étranger pouvait recruter de préférence des compatriotes, mais il en allait de même pour les immigrants provinciaux.
Dans les années 1860 enfin naissent en France des sections de l’Internationale. On se gardera de surestimer leur importance et leur influence, mais on doit noter que des Belges occupent des positions éminentes dans la section et dans les chambres syndicales ouvrières parisiennes.
Méconnaissance en tout cas de ce qu’est un étranger ? Indifférence à l’origine nationale ? Les Alsaciens et même les Lorrains sont confondus avec les Allemands, notamment dans le XIXe arrondissement et au Faubourg Saint-Antoine. Ils ont d’ailleurs des comportements matrimoniaux analogues à ceux de certains Allemands. « Les Alsaciens forment de beaucoup la portion la plus intelligente, la plus active de la colonie du Faubourg (Saint-Antoine). Ils se marient quelquefois avec des filles qu'ils nomment Françaises parce qu'elles sont nées à Paris ou dans des provinces où l'on parle la langue française, et le plus souvent avec des filles de la colonie et qu'ils désignent sous le nom d'Allemandes. »[9] Ces Alsaciens eux-mêmes se sentaient-ils d’ailleurs réellement Français ? il semble que près de la moitié d’entre eux (et une très grosse majorité dans le XIXe arrondissement) aient opté pour l’Allemagne.
Dans l’ensemble, note l’auteur de la Colonie allemande, « la proportion de ceux qui s'assimilent plus ou moins à la population indigène se restreint considérablement. […] À travers vingt ans d'expatriation, l'Anglais conserve la coupe de ses habits et le menu de son déjeuner. L'Allemand présente le type tout à fait opposé. »[10] Parlera-t-on d’« intégration », terme qui pourrait bien être alors anachronique ? On constate des comportements très différents selon les communautés. Mais les indications, fournies pour l’essentiel à ce sujet par le Paris Guide, sont extrêmement impressionnistes, quelquefois contradictoires. Ainsi des Belges. Ceux-ci (et aussi bien une partie des Suisses) sont évidemment très proches des Français, pour des raisons notamment de langue. Pour l’auteur de la Colonie belge : « Les Belges ne sauraient résister au courant général, et tout, au contraire, les invite à le suivre : la distance qui existe à peine, la communauté de langage, la conformité de mœurs et d'habitudes, l'accueil hospitalier. »[11] Et pourtant, un peu plus loin, souligne que : « Tandis que la plupart des étrangers, après quelques années d'habitation, s'absorbent peu à peu dans le tuf parisien […], les Belges conservent toute leur individualité. […] Ils ne se laissent ni absorber ni assimiler, et ils se retrouvent Belges au bout de vingt ans, comme le premier jour, avec leur caractère et leurs instincts nationaux. »[12] Il s’agit des belges francophones. Les Flamands majoritaires sont difficilement perméables à l’intégration : « il en est parmi eux qui, après cinq ou six années de séjour, ne connaissent encore que les termes les plus nécessaires de la langue française. »[13] En dépit des efforts d’une Société helvétique de bienfaisance, qui voudrait maintenir fort le lien avec la mère patrie, les Suisses « font presque tous font souche française, et si la première génération n'oublie pas complètement son pays d'origine, la seconde le renie carrément. »[14] C’est vérifiable chez les élites : on en a peu de preuves pour les catégories populaires. Dans le cas des Italiens l’auteur du Paris Guide souligne qu’« un tiers seulement de cette population habite Paris d'une façon plus ou moins définitive. Les deux autres tiers sont essentiellement mobiles. »[15] Même les ouvriers allemands seraient une population « à moitié flottante, à moitié sédentaire, suivant le hasard qui les renvoie au pays ou les retient pour toujours à Paris ». Affirmation vague, mais il est exact que l’intégration peut-être refusée par certains d’entre eux. Tous les témoins montrent l’existence de véritables isolats allemands de population non qualifiée : balayeurs et surtout journaliers. Paris Guide parle de « ces espèces d'îlots allemands au milieu de l'océan français », « une espèce de Paraguay protestant ». Cela concerne les immigrants Hessois : au minimum 3.000 selon certains, et jusqu’à 7.000 pour d’autres. « Les colons hessois étant les seuls qui viennent avec l'esprit de retour bien arrêté, sont aussi les seuls qui ne s'amalgament pas avec le reste de la population. » « Ils se tiennent entre eux au point de ne frayer guère, même avec leurs compatriotes, vivant entassés beaucoup de familles ensemble dans de grandes maisons qu'ils appellent cours allemandes (deutsche hoefe), comme les colonies allemandes du temps de la Hanse à Anvers et à Londres. »[16] « Seuls de leurs compatriotes, ces balayeurs n'apprennent absolument rien de la langue française, à l'exception cependant des enfants, qui progressent même assez rapidement. » Ils sont frileusement groupés autour des chapelles de la paroisse luthérienne de la Mission évangélique allemande à la Petite Villette, aux Batignolles et dans le quartier Saint-Marcel. Il s’agit là de comportements exceptionnels. L’auteur du Paris Guide précise aussitôt que « tout le reste des immigrants allemands se perd plus ou moins dans la multitude, et il est d'autant plus difficile à suivre que ces étrangers ont plus de facilité, de tentation, parfois même la manie de se cacher sous l'enveloppe d'une autre nationalité. Il n'est pas rare de rencontrer des Allemands qui trouvent un plaisir indéfinissable à passer pour gens d'autre provenance. »
À ce jour, on s’est intéressé presque essentiellement aux itinéraires de quelques grandes figures de l’insurrection, le Hongrois Léo Frankel, le Polonais Jaroslaw Dombrowski, la russe Elisabeth Dmtrieff, quelques autres …Les seuls Polonais avaient fait l’objet d’une étude exhaustive ; nationalistes plus que révolutionnaires sociaux nationalistes, ils considéraient la France comme une seconde patrie qui leur apporterait la liberté, et leur rôle en 1871 (comme d’ailleurs en 1870 pendant la guerre) a été essentiellement militaire.[17] On dispose d’importants répertoires des Belges et des Luxembourgeois qui se sont engagés dans l’insurrection ; ils avaient quelques raisons de ne pas aimer une Allemagne prussienne.[18] Enfin il y a le Dictionnaire de Maitron, dont la consultation ne saurait dispenser pas, puisqu’il n’a utilisé que les dossiers de grâce, du recours aux dossiers originaux du SHAT. Le décor ici planté, on peut s’essayer comprendre le chemin plutôt surprenant qui conduit à l’engagement aux côtés de la Commune, d’un nombre non négligeable d’étrangers. Volontaire ou passif, décidé ou réticent, obscur ou éminent, il ne paraît pas fondamentalement différent de celui de la masse des Parisiens de souche française dont ils partageaient le quotidien. [1] Rapport du général Appert p 213, 263. [2] Paris Guide, par les principaux écrivains et artistes de Paris, 1867, - avec une préface de Victor Hugo -, vol. 2, La Vie, p. 1017-1101. Les colonies allemande (par Louis Bamberger), belge (Ed. Romberg), suisse (William Reymond), anglaise, italienne (Petrucelli della Gattina), américaine (André Léo), hispano-américaine, polonaise (Charles Edmond, pseudonyme de Karol Edmund Chojecki), russe (A. Herzen).[3] Paris Guide, p. 1024-1026. [4] Les Ouvriers des Deux Mondes, vol. III, p. 405 sq., annexe à l’étude sur le manœuvre à famille nombreuse : « Sur les catégories d'ouvriers parisiens qui se distinguent par la fécondité », par H. L. Donnat, Ingénieur des mines. [5] De part et d’autre des Buttes-Chaumont, on trouve la paroisse luthérienne de La Colline, 26 rue de Crimée, et la paroisse catholique de la rue de Meaux, celle-ci débordant sur l’extrême nord de la rue Lafayette (que prolonge la rue d’Allemagne), où est inaugurée en avril 1866 la chapelle Saint-Joseph des Allemands. [6] Paris Guide, p. 465. [7] « Il s'est créé dans l'immense monde parisien, un petit monde gui est tout à lui, qui est comme une Pologne en miniature, ou pis-aller de patrie, et qui porte un nom bien banal : Société polonaise de Paris, un euphémisme inventé pour ne compromettre personne et ne pas appeler les proscrits des proscrits. » Paris Guide, II, p. 1087. [8] Mémoire sur la participation d'un certain nombre de Polonais à la guerre civile de la Commune, présenté à l'Assemblée nationale par le comité de l'émigration polonaise. (5 juillet 1871), Paris, Renou et Maulde, 1871. [9] Les Ouvriers des Deux Mondes, III, p. 406. [10] Paris Guide, II, p.1018. [11] Ibid., p. 1042. [12] Ibid., p. 1043. [13] Ibid., p. 1044. [14] Ibid., p. 1059. [15] Ibid., p. 1061. [16] B. M. Ratcliffe a mesuré l’endogamie qui règne dans la petite colonie de La Villette ; 83% des mariages se feraient entre Hessois (98% avec des Allemands) ; il en va de même dans la petite colonie du quartier Saint-Marcel : 91%. Barrie M. Ratcliffe et Christine Piette, Vivre la ville. Les classes populaires à Paris (1re moitié du XIXe siècle), Paris, La Boutique de l’histoire, 2007. [17] Krystyna Wyczanska, Polacy w Komunie Paryskiez, Warszawa, 1971. [18] Francis Sartorius, Jean-Luc de Paepe, Belges ralliés à la Commune de Paris, Bruxelles, Ferraton, 1985. Jean Sorel, Le Luxembourg et la Commune, Luxembourg 1952. Et, sous la direction d’Henri Wehenkel, Luxembourg- Paris-Luxembourg-1871, Migrations au temps de la Commune, Luxembourg, 2001. |
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