Relations sociales et espace publicIntroduction au numéro spécial 33 de la Revue d’histoire du XIXe siècle, « Relations sociales et espace public », 2006. Avec la collaboration de Louis Hincker. Pour faire un amusant pendant au vieux propos d’Eric Hobsbawm de 1971 : « It is a good moment to be a social historian »1, Jürgen Kocka note, dans la livraison de l’automne 2003 du Journal of Social History, que : « the impression is widely spread that this is not a good moment to be a social historian ». Avec optimisme pourtant (trop d’optimisme ?), il fait le compte des gains et pertes qu’a faits l’histoire sociale après l’offensive cinglante qu’ont menée contre elle les tenants de la « cultural history » ou du « linguistic turn » : « Losses, gains and opportunities : social history today »2. Parallèlement, Thomas Welskopp, dans le numéro spécial du Mouvement social (L’histoire sociale en mouvement, 2002), relevait les aspects plutôt positifs de la situation historiographique : « L’histoire sociale du XIXe siècle : tendances et perspectives » 3. Le débat, on ne le sait que trop, avait tourné à
la querelle sur les fondements de la connaissance historienne. Une cabale de
dévots de la « déconstruction » en venait à saper l’entreprise
historique dans ses bases mêmes : Roger Chartier en a fait suffisamment
justice en 1993 4. Pourtant, en
1995, Patrick Joyce proclamait encore hautement – en dépit d’un point
d’interrogation un rien hypocrite dans le titre – « The end of social
history ? » 5. La
« old social history », la vieille histoire sociale, se mourait de sa
belle mort, frappée au cœur par le linguistic ou cultural turn dont Joyce proclamait les mérites
incontournables, en dépit des propositions – un peu trop généreuses pour
les tenants du linguistic turn –
d’une paix de compromis d’un Geoff Eley : « De l’histoire sociale au
tournant linguistique dans l’historiographie anglo-américaine des années
1980 » 6.
Il y a eu conflit, conflit sévère, mais aussi bien « challenge », et celui-ci aurait été finalement bénéfique à une histoire sociale renouvelée : il vaut mieux dire encore à renouveler. Nous aurions perdu, dit Jürgen Kocka, l’économique (ce qui est discutable, et qui serait dommage), gagné les vastes domaines qu’ont su recouvrir les « approches narratives ». « The constructivist turn which has made itself felt in the humanities and social sciences over the last decades, has helped to make social history more self-reflective and subtle. » Il faudrait ajouter qu’il reste beaucoup à faire pour s’approprier vraiment ces nouveautés. Et aussi à s’entendre sur la délicate notion de culture : « We need to ask much more carefully constructed and more limited questions about culture », d’autant qu’un siècle au moins de littérature anthropologique 7 – rarement mentionnée – sur le concept de « culture » devrait interdire aux historiens d’en faire un usage trop fréquemment ambigu ou, comme c’est encore souvent le cas, de le réduire aux seuls objets, institutions et acteurs dits « culturels ».
Il semble qu’on ait abouti à une paix – une paix encore armée – qui peut avoir parfois des allures de compromis (la pratique historienne, dans ses avancées, n’est-elle pas faite d’abord de constants compromis ?), mais qui est tout aussi bien une paix d’équilibre, sinon de consensus véritable. On irait vers une « histoire sans (trop d’) affrontements », même au risque de tomber dans le « vertige des foisonnements » 8. Il est de toute façon et fort heureusement moins question aujourd’hui de « fin de » ou « fin des »… On en vient au problème : « The cultural turn and beyond, the linguistic turn and beyond »9. Notre projet, médité à plusieurs, était probablement au départ démesurément ambitieux. Laisser là un moment le « théorique ». Mettre à l’épreuve, pratiquement, (et le faire faire notamment par de jeunes historiens) quelques-unes des questions aujourd’hui impérativement soulevées : la construction des catégories en histoire sociale, thème maintenant classique. Puisqu’il est tant question depuis deux décennies d’un « politique » qui reléguerait aux oubliettes une vielle histoire « sociale » rétrograde, essoufflée, nous interroger concrètement sur l’efficacité des notions d’espace public, sociabilité, opinion publique, société civile…, et vérifier notamment en ce domaine la validité de l’analyse des réseaux. S’interroger sur l’utilité du concept de gender qu’il nous semble qu’on différencie mal encore d’une simple histoire des femmes. Bref tester dans le vif les rapports entre une histoire dite culturelle, d’ailleurs incertaine de ses ambitions, et l’histoire sociale, et la possibilité d’une histoire qui soit enfin « socio-culturelle ». Quitter la théorie pour travailler dans le concret des problèmes ? Mais pouvait-on la quitter sans s’interroger au moins sur quelques-uns des présupposés à la mode qui ont sous-tendu la querelle ?
Il nous paraissait qu’en histoire du XIXe siècle au moins 10, hormis quelques cercles d’érudits, on restait trop indifférent à ce qui se publie à l’étranger, notamment dans le monde anglo-saxon. Nous sommes donc spécialement heureux d’accueillir dans ce numéro la contribution de Gareth Stedman Jones, auteur naguère d’un essai sur le chartisme qui précisément « originally set the linguistic cat among the social history pigeons », comme dit plaisamment Geoff Eley 11. Il nous a semblé nécessaire de rappeler les termes d’un débat anglo-saxon qui peuvent paraître à l’historien français quelque peu obscurs. Histoire sociale et linguistic turn ? Anglo-marxisme versus histoire culturelle ? Ces problèmes nous seraient-ils vraiment étrangers ? 12 Nous n’avons eu accès que tard, en 1988, en traduction française, au grand livre d’Edward Palmer Thompson, publié en Grande-Bretagne en 1963, The Making of the English Working Class 13. On peut raisonnablement se demander aujourd’hui pourquoi tant de critiques, et tellement acerbes, adressées par les tenants d’une « cultural history » à un auteur qui introduisait alors, via la notion d’« expérience » (à prendre en un sens historiquement fort, qui reste à approfondir et à clairement cerner), une forme élaborée d’histoire « culturelle » dans la « vieille » histoire sociale, pour ce qu’il pensait être une analyse « marxiste » renouvelée de la formation de la classe ouvrière anglaise. Ici d’ailleurs, tout n’est-il pas question de lecture ? Ce livre, « marxiste » en son temps, ne peut-on aussi bien l’accepter aujourd’hui non plus comme l’analyse de la formation d’une « conscience de classe », mais plus simplement comme celle de la formation du radicalisme populaire anglais ? Et Edward p. Thompson ne nous a-t-il pas également ouvert les riches possibilités de l’étude de « l’économie morale de la foule » 14 qui a permis d’éclairer – trop rarement encore – certaines de nos approches « sociales » et politiques 15. Gareth Stedman Jones souligne le caractère hybride, peu orthodoxe de l’« anglo-marxisme » des années 1960, en même temps, faut-il le dire, que toute la richesse de son apport. On ne le résumera évidemment pas ici. Cette présentation stimulante d’une longue histoire est là pour être appréciée et, s’il le faut, discutée. N’a-t-on pas été, n’est-on pas en histoire sociale française du XIXe siècle en face de problèmes analogues ? On a « construit », outre-Atlantique et outre-Manche, avec une grande facilité – l’étude pourtant de la construction des identités n’est pas chose si aisée – le concept, mieux vaut dire la fiction, d’une « histoire marxiste » française. 16 Et cela, nous semble-t-il, a été à l’origine de bien des égarements. Il faut rappeler quelques évidences oubliées. Si, dans les années 1950, le marxisme était en effet un « horizon » tentant pour les jeunes historiens, il reste que ceux-ci étaient aussi bien de solides mécréants, face à une orthodoxie déjà historiquement figée.
On attribue volontiers les défauts « matérialistes » grossiers de l’histoire sociale française à Camille-Ernest Labrousse. Ce pourrait être à la rigueur concevable si on se réfère à quelques-unes de ses formulations parfois hâtives, tel son article trop souvent cité, « Comment naissent les révolutions » 17 (comment, en aucune façon pourquoi), qui n’est probablement pas sa plus éclatante contribution à l’histoire de celles-ci. On oublie un peu facilement L’Esquisse… (qui ne se voulait que telle) de 1933, et tout particulièrement sa postface. On voudrait n’y lire que des courbes de prix prétendument « déterminantes ». Si l’on entend parler ici d’idéologie, ou mieux de théorie, on devrait reconnaître que L’Esquisse était un brillant, un grand livre physiocratique : quoi de mieux que les présupposés et les propositions de l’« École » ?si l’on veut penser la « question des blés » au XVIIIe siècle ? Et c’est sur ce terrain qu’il a pu être – trop rarement d’ailleurs –, qu’il devrait être convenablement discuté 18. Pour les XIXe et XXe siècles, Labrousse parlait, comme tout un chacun alors, de classe, sans refuser par exemple le débat sur société d’ordres et société de classes ; mais point de « conscience de classe », pas davantage de lutte de classes : il mettait seulement en vive lumière l’existence d’« antagonismes sociaux » et cherchait à les expliquer.
Labrousse séparait-il le politique du
social ? Sa remarque, qui peut paraître aujourd’hui simplette :
« Sur l’économique retarde le social, et sur le social, le mental » 19, n’était en son temps que de gros bon
sens pratique, et ne se voulait en rien théorique ; probablement
ouvrait-elle des perspectives problématiques qu’on ne se souciait pas encore
alors de résoudre. En tout cas, ni Labrousse ni ses successeurs n’ont
revendiqué clairement un quelconque et trop simple « déterminisme » économique,
ce qui d’ailleurs, en bonne orthodoxie marxiste, eut relevé de l’hérésie
« économiste ». Bien plus, il insistait lumineusement sur la
« contradiction entre le droit et le fait », une idée forte où il
voyait un des vecteurs du processus révolutionnaire 20. Structure versus agency ? Serait-ce se montrer « marxiste » que d’acquiescer à cette remarque toute simple, mais si forte, de l’auteur du Dix-huit brumaire de Louis Bonaparte en 1852 : « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. » 21 Actions humaines, structures (et aussi mémoire sociale), on voit que c’est là un problème qui n’est pas nouveau. Peut-être ce débat « structure versus agency » est-il « théoriquement » dépassé aujourd’hui si l’on accepte la sociologie de Bourdieu ? Peut-être pas ! La chose reste à tester dans et par des travaux concrets.
Ce grand débat en matière d’histoire sociale : structure et action humaine (individuelle ? collective ?), s’était focalisé autour de la notion (du concept ?) de classe sociale et de son usage. Il n’était question que de leur possible, de leur nécessaire fin. L’approche par le « gender » par exemple (mais aussi par la race, « ethnicity ») aurait radicalement mis à mal la notion 22. C’est discutable, si on veut se souvenir, entre bien d’autres, de la réussite ancienne de Leonore Davidoff et Catherine Hall avec Family Fortunes : Men and Women of the English Middle Class, 1750-1850 23. En dépit là encore de propositions de conciliation de Geoff Eley ou de Marcel Van Der Linden 24, le débat s’est prolongé. Patrick Joyce avait soulevé en 1991, dans un livre fort riche Visions of the People : Industrial England and the Question of Class, 1848-1914 25, un problème qui intéresse au premier chef les historiens sociaux du XIXe siècle. Doit-on parler de classe, ou seulement de peuple au XIXe siècle victorien (ou français) ? Patrick Joyce privilégiait, trop systématiquement (puisque proposant la notion prétendument neuve de « populism »), la seconde option. Il y a beau temps que Gérard Noiriel a montré qu’on ne pouvait parler de classe ouvrière en France, « prolétarisée », « consciente » d’elle-même ou pas, avant les années 1880 26. Quant à notre premier XIXe siècle, il ne connaissait que « les classes ouvrières » et parlait plus volontiers de « peuple ». Peuple ! un concept (une « idée » ?) sur la « construction » duquel, en 1988, Gérard Fritz avait publié un remarquable petit essai, bien oublié aujourd’hui : L’Idée de peuple en France du XVIIe au XIXe siècle 27. Peuple, classes ouvrières ou laborieuses, classe ouvrière, autant de formulations qui n’ont pas valeur absolue, intemporelle, mais qui se succèdent dans le temps ou s’affrontent dans l’espace. Et que dire de « l’identité paysanne » – injustement absente de notre numéro – ; identité attribuée qui dissimule plutôt mal que bien « une dynamique et une mobilité identitaire faisant varier le sentiment d’appartenance » 28 ? De la même façon, réunira-t-on sous un même vocable la bourgeoisie parisienne, la bourgeoisie rouennaise, la bourgeoisie entrepreneuriale lilloise, les bourgeoisies esclavagistes nantaise ou bordelaise ? Sarah Maza a titré de façon provocante son récent livre, The Myth of the French Bourgeoisie : An Essay on the Social Imaginary 1750-1850 29. Il en sera question dans une prochaine livraison de cette revue. Si elle peut raisonnablement mettre en cause (une fois de plus !) l’idée de « révolution bourgeoise », remise en cause que les historiens français ont acceptée depuis beau temps, la proposition qu’elle fait de l’apparition sous la Restauration du terme bourgeoisie (et d’une « conscience » bourgeoise), en un sens purement politique mais non social, est certes une idée à creuser. Est-elle pour autant suffisante ? Que fera-t-on désormais du grand travail (très « labroussien ») d’Adeline Daumard sur la bourgeoisie parisienne au temps de la monarchie censitaire 30 ? On choisit ce livre spécialement parce qu’il a fait l’objet de critiques assez injustes 31. On avait là un « portrait », pas seulement et sottement statistique comme on aime à le faire croire, mais aussi psychologique, relationnel et politique. Il ne relevait sûrement pas du domaine si volontiers critiqué de la « réification » des « catégories » qui « emprisonnerait » les acteurs historiques. Suzanna Magri montrait récemment combien fécondé par la lecture du livre postérieur de Christophe Charle sur Les élites de la République 32, son apport restait majeur. Pour critiquer, dépasser, faut-il systématiquement détruire, au nom moins de l’efficacité que de présupposés pour ne pas dire de préjugés épistémologiques ?
On est ramené au délicat problème de la construction des catégories. Est-il vrai qu’on ait vraiment, systématiquement construit ces nuisibles « catégories réifiées » ? Il est exact qu’un moment, on a pu s’interroger sur la possibilité d’un code socioprofessionnel « idéal » pour les sociétés des XIXe et XXe siècles 33. Ce fut un échec et le projet n’a pas eu de suite. C’était en 1963, et vingt ans après, Adeline Daumard préconisait tout différemment une enquête nécessaire sur les « généalogies sociales » 34. Construire est au demeurant fort bon, et c’est un en effet un processus qu’on observe. Mais peut-on tout simplement se passer pour autant d’immobiliser l’image à certains moments pour y voir clair ? Ce n’est pas un problème qu’on a ignoré. Faut-il ajouter qu’il y a déjà bien des années que Claude-Isabelle Brelot proposait la notion très neuve de « réinvention » d’une catégorie, celle de la noblesse au XIXe siècle 35 ? C’est une idée qu’on n’a certainement pas encore suffisamment méditée et creusée. L’économique, le social, le politique, leurs relations ? Le débat, qui n’est pas simple, n’avait pas été approfondi dans les années 1950 ou 1960. Dans la thèse d’Yves Lequin parue en 1977, en apparence fidèlement labroussienne, sur Les ouvriers de la région lyonnaise, dont le livre I s’intitulait d’ailleurs précisément « La formation de la classe ouvrière régionale », il manquait à l’évidence les passerelles essentielles, les rampes d’accès d’un « étage » à l’autre, comme le soulignait aussitôt Michelle Perrot, point infidèle sur ce point à Labrousse 36. Mais supprimer purement et simplement les étages inférieurs n’est probablement pas le meilleur moyen – en tout cas sûrement par le seul – de gagner le niveau supérieur. Depuis, de toute façon, peut-on faire fi des travaux de disciples du maître nullement infidèles eux non plus parce que novateurs, et au premier chef ceux de Maurice Agulhon. Son concept de sociabilité a été longuement discuté naguère ; on en a discouru sans chercher, sauf rares exceptions 37 à l’utiliser concrètement. Il n’a pas valeur pour la seule Provence, intérieure ou toulonnaise. N’aurait-il pas quelque rapport avec la notion d’espace public, terme également à la mode qui fait l’objet de nombreux discours mais dont la validité efficace reste elle aussi à bien montrer dans la pratique.
Il est vrai que notre « vieille histoire sociale » avait mal (ou n’avait pas du tout) défini sa posture à l’égard de ce qu’on a eu sans aucun doute raison dans les années 1980 de désigner comme le politique, justement mis en valeur alors par Claude Lefort, mais tout aussitôt irrémédiablement détaché d’une quelconque référence sociale 38, et après lui par Pierre Rosanvallon, depuis notamment Le Peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France,en 1998 39. Sommes-nous tellement ignares, aveugles, que nous n’aurions pas su tirer leçon de la leçon ? On rappellera seulement les travaux de Michèle Riot-Sarcey, Le réel de l’utopie, ou, pour ceux que rebuterait l’aspect nécessairement théorique de ce livre essentiel, La démocratie à l’épreuve des femmes 40.
L’histoire dite « conceptuelle » du politique reste radicalement coupée de l’histoire de la société, même dans le livre récent de Pierre Rosanvallon, Le Modèle politique français : la société civile contre le jacobinisme 41 où il lui faut bien admettre que la « culture politique de la généralité » a rencontré quelques résistances (des perplexités ?) du côté, paraît-il, de la « société civile ». Mais pourquoi ces résistances, de qui viennent-elles, quand, comment ? Qu’est-ce que le « fait associatif » ? Après Rémi Gossez et Henri Desroche 42, les historiens français du premier XIXe siècle se sont penchés, bien ou mal, sur la question tout à fait « sociale » de la signification de l’Association ouvrière, ce maître mot pour les classes laborieuses du premier XIXe siècle. Elle n’était pas contestation de médiocre envergure qui finalement conduirait à une « exception syndicale » peu compréhensible. Elle était tentative « utopique » (au sens noble du terme) d’une reconstruction équitable du social et du politique. Cinq maigres pages sur cette Association dans Le Modèle français, s’arrêtant à l’article de 1834 de Pierre Leroux, De l’individualisme et du socialisme, en effet fondamental mais tout juste évoqué ! Une seule contribution (deux à la rigueur) sur dix-sept, et traitant moins de la question de l’Association que de celle de la corporation ouvrière en 1848 dans le récent ouvrage collectif dirigé par Steven Kaplan et Philippe Minard, La France, malade du corporatisme ? 43Au moins y esquisse-t-on une critique du livre de William H. Sewell, un des tenants du « cultural turn », Gens de métier et révolutions. Le langage du travail de l’Ancien régime à 1848, qui repose sur un faux-sens quand il croit déceler une continuité majeure entre la corporation de jadis et la nouvelle « corporation démocratique » des ouvriers de 1848 44, qui se situe précisément dans la grande perspective de l’Association ouvrière. Et rien sur les années 1860 et suivantes 45. Quant au Peuple, il n’est à la vérité « introuvable », (plus vraisemblablement muet, plus souvent encore rendu muet), que dans la perspective linéaire d’une histoire purement « conceptuelle » de la démocratie représentative, où les idées (rarement les faits) se développent, se heurtent, se débattent dans un ciel abstrait. N’y aurait-il pas eu un « peuple de Paris », conscient de sa force à défaut de son unité en juin 1848, en mars 1871, et qu’on peut sérieusement étudier ? Un peuple réel qui ne se dévoilerait que dans « l’incandescence de l’événement » – jolie formule ! – que Pierre Rosanvallon nous laisse apercevoir sans jamais approfondir. Mais ce peuple, on peut l’étudier aussi bien dans les horizons stricts (ou, si l’on veut, étroits) d’une histoire seulement sociale, mais aussi dans ses rapports avec la ou plutôt le politique : on le verra à la lecture du texte que nous propose Alain Cottereau. Le peuple est lui aussi, à sa manière, dans un espace public qu’on a trop vite caractérisé comme « bourgeois ». Il est bon assurément de sortir en histoire « sociale » d’un « économisme pur », si tant est que celui-ci ait réellement existé. Il est tout à fait discutable que ce soit le seul politique qui « informe le social ». Et manquer la nature « sociale », au mieux minimiser l’ampleur des résistances à la « culture politique de la généralité » ne conduit-il pas directement à ce que Rosanvallon appelle, par un mauvais jeu de mot – on aimerait croire que ce n’est qu’un jeu sur les mots – la Contre-démocratie 46.
Nous n’avons pas de contribution à proposer sur le « gender », concept de difficile maniement, qui entend signifier la construction de la différence et des différences, mais est trop souvent délaissé au profit d’une études des « genres » pris comme équivalent social des « sexes » 47.
Un des caractères, du moins en France, de la longue querelle sur l’histoire sociale et sa validité, est qu’on a discuté à qui mieux mieux de théorie, qu’en revanche on n’a guère eu de mise en œuvre concrète, pratique des résultats de ces débats. Ainsi encore, pour n’en pas rester à un « labroussisme » prétendument obsolète, avec quelle hargne ne nous a-t-on abreuvé des critiques de Foucault, dont il faut – cela va de soi – tenir compte. Gareth Stedman Jones, a pour sa part, clairement pris ses distances avec Foucault dans un texte que nous aurions aimé publier et auquel nous renvoyons le lecteur 48. Mais surtout quels historiens, notamment en France, ont à ce jour vraiment utilisé, autrement que pour une référence ou une paraphrase banales, ses réflexions sur la notion de « pouvoir » (et de résistance à ce pouvoir) ? Un pouvoir qu’il est le premier à avoir proposé aux historiens 49, mais sur lequel Habermas a pu s’interroger, non sans raison, quant à son origine et ses fondements philosophiques 50. En Grande-Bretagne, Patrick Joyce nous livre un intéressant essai qui utilise la notion de « gouvernementalité » : The Rule of Freedom : Liberalism and the Modern City 51. Utile, provoquant la réflexion, il n’est pas nécessairement convaincant. Dans le numéro du Journal of Social History cité au début de cet article, Christophe Charle trace un panorama d’une histoire sociale française qui, au bout du compte, ne se porte pas si mal. S’il est vrai qu’on s’est dispensé souvent de clarté théorique, cela ne semble pas avoir tellement nui au travail de recherche. C’est aussi bien dans la pratique concrète d’une histoire « sociale » que nous avons souhaité travailler. L’idée d’un numéro thématique de la Revue d’histoire du XIXe siècle sur l’histoire sociale du XIXe siècle est née d’une discussion collective au sein de la Société d’histoire de la révolution de 1848, à l’initiative de son président de l’époque Jean-Luc Mayaud, à l’occasion de la préparation du centenaire de notre association. La publication d’un numéro spécial sur l’histoire économique, et d’autres se réclamant explicitement de « l’histoire culturelle », appelait un nécessaire éclairage sur ce sujet, sans pour autant proposer un quelconque « retour à … », empêchant de rendre compte d’une historiographie en pleine évolution. Il ne s’agit pas ici de brandir un quelconque drapeau. Nous avons choisi d’exposer des interrogations, des doutes, des inquiétudes, et de construire un numéro fait d’études particulières. Nous n’avons pas visé à un quelconque semblant d’exhaustivité. L’histoire sociale qui se fait aujourd’hui revisite la question de l’articulation entre les conditions et les intérêts sociaux (si l’on veut, de classe) et commande de ne pas décréter une transposition mécanique des unes vers les autres Il nous a semblé que l’important était de caractériser l’articulation entre objet, sources et méthodes dans des travaux qui entendent se situer au carrefour de plusieurs disciplines, et s’appuyer en cela sur une ample documentation. Cela ne peut se lire et se comprendre qu’en situation, article après article. Il nous a paru aussi nécessaire de favoriser la publication de documents commentés, plus suggestive et plus instructive à nos yeux que tout commentaire ou toute théorie. Chacune des études que l’on va lire pose la question du statut de l’exemple et recherche dans une analyse fouillée sa portée explicative. Nos contacts et nos échanges se sont resserrés autour d’une question principale : « Qu’est-ce qu’une relation sociale ? ». Cela nous a permis de préciser ce que nous attendions d’une « histoire sociale », tout en prenant soin de conserver la question ouverte. Si la « société » peut être considérée comme l’objet commun de tous les historiens (sans y reconnaître pour autant un tout organique), elle pouvait être lue comme l’enjeu particulier des relations entre individus ou entre groupes. Ainsi définie, c’était peut-être elle qui permettrait de caractériser une relation comme « relation sociale », étant entendu qu’il ne saurait être question d’appréhender « le tout » des relations sociales.
Dans les études ici réunies, les relations sociales apparaissent comme travaillées par la question de leur propre légitimité. C’est là le résultat d’une attention accrue portée depuis quelques décennies aux processus de construction des positions et des conditions, qu’ils concernent des individus, des groupes, voire des regroupements temporaires et de circonstance d’individus. La légitimité du lien social n’étant jamais définitivement acquise, les travaux ici publiés font apparaître la part fondamentale à donner à la négociation sociale, qui modifie en profondeur le fonctionnement des institutions. On pourrait dire que l’objet réel de ce numéro est la compréhension des enjeux sociaux qui traversent les institutions. Les identités professionnelles par exemple ressortent d’une négociation sociale sur le long terme, leur étude fait apparaître la perméabilité du langage d’institution aux langages relationnels. Famille et métier semblent dès lors les principaux agents constructeurs d’une légitimité. Le processus est en constante évolution, et son analyse permet d’éviter la simple paraphrase des groupes analysés. N’en vient-on pas souvent à se satisfaire d’une simple « notabilisation » des notables, comme de l’embourgeoisement des bourgeois, l’« ouvriérisation » des ouvriers… ? 52 L’historien doit se montrer plus attentif aux mécanismes de l’identification qu’aux identités, et s’attacher à distinguer ce qui est explicatif et ce qui est à expliquer.
Ces études font apparaître « la contrainte de légitimation locale » dont parle Alain Cottereau, autrement dit l’indexation des relations sociales à un lieu, à un monde professionnel, à un espace urbain, et la part de l’interconnaissance fondamentale, qui doit aussi bien être dépassée par les individus et les groupes qui en appellent à des légitimités plus englobantes. Le XIXe siècle, ici dans le cas français, est aussi quête de démocratie. L’exigence de légitimité produit en conséquence des « espaces publics intermédiaires », lieux spécifiques où les relations sociales sont traversées d’enjeux moraux, civiques et politiques 53. On acceptera une certaine technicité du vocabulaire et des méthodes des différents articles : représentation graphique pour souligner la faible densité globale d’un réseau (Claire Lemercier), analyse sociogénétique de la prosopographie et de l’agrégation statistique des propriétés individuelles (Nathalie Bayon et Hervé Fayat), relevé des « indices d’allocution » (Aude Gerbaud), restitution des principes des sphères d’expression et de délibérations (Alain Cottereau), comparaison des désignations et qualifications des relations interpersonnelles (Laurent Clavier). De fausses évidences laissent place à des objets historiques plus complexes qu’il n’y paraît : liens privés, fonction de parlementaire, interaction entre orateur et public, « common law » du travail, voisinage et quartier. Pas un des articles qui ne cherche à déconstruire des clichés, des idées reçues, qui ne cherche à s’émanciper des représentations trop mécaniques que les contemporains pouvaient avoir d’eux-mêmes. L’histoire sociale d’aujourd’hui participe à sa manière à la nécessité de « repenser » le XIXe siècle. Pour autant, faute d’un investissement en termes d’interprétation à la hauteur des techniques d’enquête d’identification des individus et de leurs relations, il n’est pas assuré que les différentes formulations de nos auteurs désignent un même horizon et se rejoignent : institutions intermédiaires (Claire Lemercier), autonomisation du champ de représentation des parlementaires (Nathalie Bayon et Hervé Fayat), doxa républicaine (Aude Gerbaud), espaces publics locaux (Alain Cottereau), aires communes d’interconfiance potentielle (Laurent Clavier). Au moins y trouvera-t-on matière à réflexion sur la diversité sociale et morphologique que peut recouvrir le concept d’espace public. Au moins sera-t-on, espérons-le, incité à envisager une histoire longue d’un objet qui n’est abordé ici qu’à travers quelques études de cas ; donc à un retour réflexif, à la manière de Gareth Stedman Jones, sur l’histoire sociale telle qu’elle s’est épanouie depuis longtemps en France, et telle qu’elle se modifie aujourd’hui.
Notes 1 . Eric J. Hobsbawm, « From Social History to the History of Society », dans Daedalus, n° 100, 1971, p. 20-45, repris dans On History, 1997, p. 71-93. 2 . Jürgen Kocka, « Losses, gains and opportunities : social history today – Introducing The Issues », dans Journal of Social History, vol. 37, 2003/1, p. 21-28 ; voir également dans ce numéro, Hartmut Kaelble, « Social history in Europe – Introducing The Issues », p. 29-35 ; Paula S. Fass, « Cultural history/social history : some reflections on a continuing dialogue – The Cultural Turn And Beyond », p. 39-46 ; Christophe Charle, « Contemporary French social history : crisis or hidden renewal ? – Central Issues », p. 57-68 ; Walter Johnson, « On agency – Central Issues », p. 113-124. 3 . Le Mouvement social, n° 200, juillet-septembre 2002, p. 153-163. 4 . Roger Chartier, « Figures rhétoriques et représentations historiques. Quatre questions à Hayden White », dans Storia della Storiagrafica, n° 24, 1993, p. 133-142. Repris dans Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétudes, Paris, Albin Michel, 1998, p. 108-125. 5 . Patrick Joyce, « The end of social history », dans Social History, 20, 1995, p. 73-91. 6 . Geoff Eley, « De l’histoire sociale au tournant linguistique dans l’historiographie anglo-américaine des années 1980 », dans Genèses, mars 1992, p. 163-193. Également Geoff Eley, « Is All the World a Text ? From Social History to the History of Society Two Decades Later », dans T. J. McDonald [ed.], The Historic Turn in the Human Sciences, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1996, p. 193-243. 7 . Denys Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales, Paris, La Découverte, coll. Repères, 1996, 128 p. 8 . Alain Corbin, « Le vertige des foisonnements. Esquisse panoramique d’une histoire sans nom », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1992, p. 103-126. 9 . Par exemple Lynn Hunt, Victoria Bonnel [dir], Beyond the Cultural Turn, Berkeley, University of California Press, 1999, xi-350 p. Voir le débat autour de ce livre dans The American Historical Review, vol. 107, n° 5, décembre 2002 : Ronald Grigor Suny, « Back and Beyond ; Reversing the Cultural Turn » ; Patrick Brantlinger, « A Response to Beyond the Cultural Turn » ; Richard Handler, « Cultural Theory in History Today », p. 1475-1520. 10 . C’est en effet beaucoup moins vrai dans cette histoire qu’on dit chez nous « moderne » ou en histoire plus « immédiate » du XXe siècle. 11 . Naturellement dans Gareth Stedman Jones, The Languages of Class : Studies in English Working Class History 1832-1982, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, 268 p. ; ainsi que « The Language of Chartism », dans James Epstein and Dorothy Thompson, London [ed.], The Chartist Experience : Studies in Working-Class Radicalism and Culture, 1830-1860, Londres, Macmillan, 1982, p. 3-58. 12 . Il s’agit du texte d’une conférence prononcée le 19 mai 2005 à l’École des hautes études en sciences sociales, sous le titre : « From social history to the linguistic turn and beyond. Where is British historiography going ? » 13 . Edward P. Thompson, The Making of the English Working Class, London, Victor Gollancz, 1963 ; 2nd edition with new postcript, Harmondsworth, Penguin, 1968 ; third edition with new preface, 1980, traduction française, La formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, Hautes Études-Gallimard- Seuil, 1988, 796 p. 14 . Edward P. Thompson, « The moral economy of the English crowd in the eighteenth century », dans Past and Present, 50, février 1971. Seule traduction française accessible dans Florence Gauthier, Guy Robert Ikni [éd.], La Guerre du blé au XVIIIe siècle, Paris, Les Éditions de la Passion, 1988, p. 31-92. 15 . Nicolas Bourguinat, Les Grains du désordre. L’État face aux violences frumentaires dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 2002, 542 p. 16 . Quels historiens chez nous depuis 1950 pourraient se dire vraiment « marxistes » ? En 1973, Pierre Vilar parlait d’une histoire encore et toujours « en construction », et tout particulièrement une histoire qui se voudrait « marxiste », pour l’édification de laquelle il faisait ses propositions. Nul, à ce qu’on sache, n’a cherché vraiment à continuer sa réflexion : Pierre Vilar, Une histoire en construction. Approche marxiste et problématiques conjoncturelles, Paris, Hautes Études-Gallimard-Seuil, 1982, 428 p. 17 . Camille-Ernest Labrousse, « 1848-1830-1789. Comment naissent les révolutions », dans Actes du Congrès du Centenaire de la révolution de 1848, Paris, Presses universitaires de France, 1949, p. 1-30. 18 . Camille-Ernest Labrousse, Esquisse du Mouvement des prix et des revenus en France au XVIIIe siècle, Paris, Librairie Dalloz, 2 vol., 1933. On s’est attaché trop étroitement à la critique de l’idée de « crise finale » de l’Ancien régime, plus généralement à la nature des crises économiques « de type ancien », négligeant, ce qui eût été sûrement plus fructueux, l’ample prise de vue séculaire sur les prix, les revenus, et finalement et fondamentalement les groupes sociaux, la prise de conscience théorique par « l’École » de leurs intérêts. Voir David Landes, « The Statistical Study of French Crises », dans Journal of Economic History, vol. 10, nb. 2, nov. 1950, p. 195-211 ; Davis R. Weir, « Les crises économiques et les origines de la Révolution française », dans Annales. Économies, sociétés, civilisations, 46, 1991, p. 917-947. 19 . Camille-Ernest Labrousse, « Préface », p. xi, à Georges Dupeux, Aspects de l’histoire sociale et politique du Loir-et-Cher (1848-1914), Paris/La Haye, Mouton, 1962, 631 p. 20 . Camille-Ernest Labrousse, « Postface », dans Esquisse…, ouv. cité, p. 630. Mise à part l’histoire très féconde de la justice sous la houlette entre autres de Jean-Claude Farcy, L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours, Paris, Presse universitaires de France, 2001, 494 p., et contrairement au travail des historiens de la période « moderne » toujours attentifs à la rigidité comme à la souplesse des institutions d’Ancien Régime, les domaines du droit et leurs interférences avec l’ensemble des relations sociales ne sont que trop souvent délaissés par les travaux portant sur le XIXe siècle. C’est pourquoi nous avons tout particulièrement souhaité accueillir dans cette livraison un article d’Alain Cottereau publié originellement en anglais, issu précisément d’une rencontre outre-Manche entre juristes et historiens en 1995 ; bel exemple des échanges possibles et « critiques » entre les deux disciplines. 21 . Karl Marx, Le Dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, 1852, chapitre 1. 22 . Ce que n’a pas expressément montré Joan Scott, convoquée en ce débat pour son livre Gender and the Politics of History, New York, Columbia University Press, 1988, 242 p. (revised edition, 1999). 23 . Leonore Davidoff and Catherine Hall, Family Fortunes :Men and Women of the English Middle Class, 1780-1850, Londres, Hutchinson Education, 1987, 576 p. (réédité en 2003 dans une édition complétée). 24 . Geoff Eley, Keith Nield, « Farewell to the Working Class ? », dans International Labor and Working-Class History, nb. 57, spring 2000, p. 1-30, et « Reply : Class and the Politics of History », p. 76-87 ; Marcel Van Der Linden, « The End of Labour History ? », numéro spécial de l’International Review of Social History, nb.38, 1993. Et surtout Marcel Van Der Linden, Lex Heerma Van Voss, Class and Other Identities : Gender, Religion and Ethnicity in the Writing of European Labour History, Oxford and New York, Berghahn Books, 2002, 256 p. 25 . Patrick Joyce, Visions of The People : Industrial England and The Question of Class 1848-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, 464 p. 26 . Gérard Noiriel, Les ouvriers dans la société française XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1986, 322 p. 27 . Gérard Fritz, L’Idée de peuple en France du XVIIe au XIXe siècle, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1988, 226 p. 28 . Ronald Hubscher, « Réflexions sur l’identité paysanne au IXe siècle : identité réelle ou supposée », dans Ruralia, 1997, n° 1, p. 80. Voir aussi : Jean-Luc Mayaud, La petite exploitation rurale triomphante. France XIXe siècle, Paris, Belin, 1999, 278 p. 29 . Sarah Maza, The Myth of the French Bourgeoisie : An Essay on the Social Imaginary, 1750-1850, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 2003, x-255 p. 30 . Adeline Daumard, La bourgeoisie parisienne de 1815 à 1848, Paris, SEVPEN, 1963, 661 p. (2e édition Albin Michel, 1996). 31 . Maurizio Gribaudi, « Échelle, pertinence, configuration », dans Jacques Revel [dir.], Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience, Hautes Études-Gallimard-Seuil, 1996, p. 113-139. 32 . Christophe Charle, Les élites de la République, 1880-1900, Paris, Fayard, 1987, 556 p. Sur cette complémentarité, voir Suzanna Magri, « Bourgeoisies, emprunts interdisciplinaires dans l’étude d’un groupe social »,dans Genèses, n° 44, 2001/3, p. 145-164. 33 . Adeline Daumard, « Une référence pour l’étude des sociétés urbaines en France aux XVIIIe et XIXe siècles. Projet de code socioprofessionnel », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 1963, p. 183-210. 34 . Adeline Daumard, « Les généalogies sociales : un des fondements de l’histoire sociale comparative et quantitative », dans Annales de Démographie historique, 1984, p. 9-24 35 . Claude-Isabelle Brelot, La noblesse réinventée. Nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870, Paris/Besançon, Les Belles Lettres/Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1992, 2 vol., 1242 p. Cet ouvrage est l’une des tentatives parmi les plus abouties d’une histoire socioculturelle qui, dans le cadre apparemment très classique de la monographie régionale, sait s’émanciper des démarches rigides traditionnelles qui font monter le lecteur, d’étage en étage, de la « cave » au « grenier ». 36 . Michelle Perrot, « Note critique. Une naissance difficile : la formation de la classe ouvrière lyonnaise », dans Annales. Économies, sociétés, civilisations, 1978/4, p. 830-837. 37 . Rappelons tout particulièrement Raymond Huard, La préhistoire des partis. Le parti républicain et l’opinion républicaine dans le Gard de 1848 à 1881, thèse de doctorat d’histoire, Université Paris IV, 5 vol., 1977 ; condensé dans La préhistoire des partis. Le mouvement républicain en Bas-Languedoc, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982, 520 p. 38 . Claude Lefort, Essais sur le politique XIXe – XXe siècles, Paris, collection Esprit/Seuil, 1986, 333 p. 39 . Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable, Histoire de la représentation démocratique en France,Paris, Gallimard, 1998, 379 p. Mais naturellement aussi Le sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France, Paris, Gallimard, 1992, 490 p., et La démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France, Paris, Gallimard, 2000, 440 p. 40 . Michèle Riot-Sarcey, Le réel de l’utopie. Essai sur le politique au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998, 309 p. ; La Démocratie à l’épreuve des femmes. Trois figures critiques du pouvoir, 1830-1848, Paris, Albin Michel, 1994, 365 p. 41 . Pierre Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2004, 197 p. 42 . Rémi Gossez, L’organisation ouvrière des ouvriers de Paris, 1848-51, Travaux en vue d’un doctorat, 6 vol., 1963, 2097 p., condensé dans Les ouvriers de Paris, I, L’organisation, 1848-1851, Bibliothèque de la Révolution de 1848, La Roche-sur-Yon, 1967, 447 p. ; Henri Desroche, Solidarités ouvrières. 1. Sociétaires et compagnons dans les associations coopératives (1831-1900), Paris, Éditions Ouvrières, 1981, 216 p. 43 . Jacqueline Lalouette, « Les insaisissables corporations du premier XIXe siècle ; enquête sur les usages d’un mot », dans Steven Kaplan, Philippe Minard [dir.], La France, malade du corporatisme ? XVIIIe-XXe siècles, Paris, Belin, 2004, p. 147-170 44 . William H. Sewell, Gens de métier et révolutions. Le langage du travail de l’Ancien régime à 1848, Paris, Aubier, 1983, 425 p. 45 . Voir Jacques Rougerie, « Par-delà le coup d’État, la continuité de l’action et de l’organisation ouvrières », dans Comment meurt une République ? Autour du 2 décembre, Actes du colloque de Lyon - décembre 2001, Paris, Créaphis, 2004, p. 267-284. 46 . Pierre Rosanvallon, La Contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006, 352 p. 47 . Ceci aura fait l’objet d’une rencontre-débat au Musée de Saint-Denis les 27 et 28 octobre 2006 organisée par l’Université de Paris VIII : « Les usages du genre. Leur intérêt et leurs limites », avec la participation de chercheuses de dix pays européens. 48 . Gareth Stedman Jones, « The Determinist Fix ; some Obstacles to the Further Development of the Linguistic Approach to History in the 1990s », History Workshop Journal, 1996, n° 42, p. 19-35. 49 . Michel Foucault, Dits et écrits, vol. VII, Paris, Gallimard, 1994, p 225. Rappelons : « L’histoire des luttes pour le pouvoir, donc des contradictions réelles de son exercice et de son maintien reste presque complètement immergée ; le savoir n’y touche pas ». 50 . Jürgen Habermas, « Apories d’une théorie du pouvoir », dans Le discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, 1985, p. 315-347. 51 . Patrick Joyce, The Rule of Freedom : The City and Modern Liberalism, London, Verso, 2003, xii-264 p. 52 . Louis Hincker, « La politisation des milieux populaires en France au XIXe siècle : constructions d’historiens. Esquisse d’un bilan (1948-1997) », dans Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 14, 1997/1, p. 89-105. Sur ce point, contrairement là encore aux historiens travaillant sur l’Ancien Régime ou sur la Révolution française, la fausse familiarité que les contemporanéistes pensent entretenir avec la langue des archives qu’ils étudient leur évite bien souvent d’expliciter les modalités de leurs interprétations. 53 . Sur cette notion très originale d’espaces publics intermédiaires, qui reste à creuser, voir Alain Cottereau, « La désincorporation des métiers, et leur transformation en publics intermédiaires : Lyon et Elbeuf, 1790-1814 », dans l’ouvrage de Steven L. Kaplan, Philippe Minard [dir.], La France, malade du corporatisme ?…,ouv. cité, p. 97-155 et 477-494. Voir également : « Esprit public et capacité de juger. La stabilisation d’un espace public en France aux lendemains de la Révolution », dans Raisons pratiques, n° 3, 1992, Pouvoir et légitimité. Figures de l’espace public, textes réunis par Alain Cottereau et Paul Ladrière, Éditions de l’ÉHÉSS, p. 239-273 ; et plus récemment encore : « Droit et bon droit. Un droit des ouvriers instauré puis évincé par le droit du travail (France, XIX siècle) », dans Annales. Histoire, sciences sociales, novembre-décembre 2002, n° 6, p. 1521-1557.
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