Juin 1848 : l'insurrection

 Juin 1848 : l'insurrection

 

 

1848, Actes du colloque international du cent cinquantenaire, tenu à l’Assemblée nationale à Paris, les 23-25 février 1998.

 

En collaboration avec Laurent Clavier et Louis Hincker

 

On ne saurait commencer cette mise au point sur l’insurrection de Juin sans faire une remarque majeure. [1] Sociologiquement parlant, plus simplement touchant la composition sociale du camp “ insurgé ” (et, en parallèle, du camp de l’ordre), ou mieux encore la “ diversité des antagonismes sociaux ” au moment de l’insurrection, il ne paraît guère possible de faire plus et surtout mieux que ce qu’avait réussi Rémi Gossez si remarquablement en 1956, en une petite vingtaine de pages - à la condition bien sûr de lire celles-ci dans la perspective de ses deux grandes thèses, Les ouvriers de Paris, l’organisation, et Circonstances du mouvement ouvrier, cette dernière restée malheureusement inédite.[2] Rémi Gossez s’était comme immergé dans cette année 1848 (et les suivantes) et sa connaissance, “ micro historienne ” pourrait-on dire, des 12.000 dossiers des prévenus de Juin lui avait permis de mettre en lumière, avec infiniment de nuances, l’essentiel. Il s’agit moins désormais de le vérifier que, s’il est possible, de le continuer, le prolonger.

Les plus récents travaux [3] sur Juin 1848 nous viennent, on le sait, d’outre-atlantique, ceux de Charles Tilly[4], de Mark Traugott[5], et de Roger V. Gould.[6] On n’entend pas s’attarder ici sur les rapports quelquefois conflictuels entre sociologues et historiens. L’apport de ces travaux, à notre discipline même strictement entendue, est assurément d’importance. Les sociologues anglo-saxons (et aussi bien allemands et français) nous proposent des « modèles » pour étudier ce qu’on a pris l’habitude désormais de nommer « protestation collective. » Ils définissent et mettent en œuvre des notions comme, pour n’en mentionner que quelques-unes, celles de formation et mobilisation du consensus, identification sociale, identité collective, réseaux de relations, répertoire de ressources, événements critiques, rôle des organisations ... L’historien n’a rien pour l’essentiel à y redire, à condition que ces modèles ne soient pas bien sûr définis et surtout maniés de façon rigide. Ce sont après tout les mêmes instruments que nous utilisons, intuitivement, implicitement ou non, sans souci seulement de les nommer exactement.

Ces modèles sont soumis à une vérification empirique, essentiellement statistique. On se souvient du modèle d’explication de l’insurrection de Juin proposé en 1974 par Charles Tilly [7]; plus récemment de l’hypothèse “ organisationnelle ” de M. Traugott, fructueuse s’il s’agit d'expliquer la conduite de la Garde mobile, qui se range en Juin dans le camp de l’ordre. C’est R. V. Gould qui nous offre ici la modélisation la plus complète, la plus souple aussi et la plus nuancée. Elle repose sur la notion dynamique de construction de l’identité collective et R. V Gould dégage remarquablement le caractère indissociable du social et du politique, puis tente de résoudre la difficile question du passage du mécontentement querelleur individuel, et surtout local, à une protestation collective étendue, sinon généralisée.

Le tout ne peut évidemment se juger qu’aux résultats, et c’est là que l’historien se sent parfois quelque peu heurté. Prenons le modèle de Ch. Tilly, il est vrai sans toutes les nuances qu’il apporte. Dans la “ formation/mobilisation ” du consensus qui conduit à l’insurrection, il montre, au niveau des “ organisations ”, le rôle plutôt positif joué par les sociétés ouvrières, le rôle au contraire plutôt négatif des clubs politiques. L’observation toute simple, sur cas concrets, que fait l’historien paraît bien infirmer les affirmations proposées. Tout dépend au vrai du moment et du lieu. S’agissant des clubs et de leurs membres, ils ont joué, ici mais non là un rôle, parfois largement positif (ainsi des Montagnards de Belleville, du Club républicain de La Chapelle, le Club fraternel de la rue Traversière dans le Faubourg Saint-Antoine, ou du Club de l’Homme armé, quartier Sainte-Avoie), parfois négatif (ce serait, semble-t-il, le cas de plusieurs sections de la Société des Droits de l'Homme). Quant aux sociétés ouvrières, rares encore ou tout fraîchement constituées, leur rôle (mais non pour autant celui de leurs membres, et sauf peut-être dans le cas des mécaniciens de La Chapelle) semble avoir été négligeable dans l’insurrection.

Même problème, chez R. V. Gould, s’agissant du rôle des “ organisations ”, qui permettent l’extension d’un mécontentement contestataire du simple niveau local des relations, de la sociabilité quotidiennes, à la dimension de l’ensemble de l’Est ouvrier parisien. “ (Ce sont, dit-il) la Commission du Luxembourg, les clubs populaires républicains, une Garde nationale démocratisée, et les ateliers nationaux qui ont rendu les travailleurs capables d’agir collectivement ”, au-delà des simples solidarités de métier ou de voisinage.[8]

Ce n’est pas faux, c’est seulement trop à la fois s’il s’agit d’expliquer l’insurrection elle-même. Certes Peter Amann, qui d’ailleurs tenait  aussi dans l’ensemble pour minime ou nul le rôle des clubs dans le déclenchement et surtout le développement de l’insurrection, montrait fort bien qu’un même individu pouvait à la fois, soit au même moment, soit à des moment différents, être membre d’un club (voire de plusieurs), adhérent d’une société ouvrière en formation, être mobilisé dans la Garde nationale, et aussi appartenir aux ateliers nationaux.[9] R. Gossez, qui, en des années où le “ quantitatif ” était tout particulièrement de mode, n’avait pas éprouvé le besoin d’en user, avait montré, étudiant de près leurs éventuelles participations individuelles, qu’il n’était pas du tout évident que les délégués du Luxembourg (sauf exceptions personnelles, comme celles de l’horloger Lagarde dans le quartier de la Monnaie, et peut-être du mécanicien Drevet) aient joué un rôle réellement important dans l’insurrection. On en avait seulement systématiquement arrêté bon nombre comme possibles perturbateurs de l’ordre social. Il nous semble aussi, après étude, que ni les clubs, ni la Commission du Luxembourg, d’ailleurs officiellement dissoute après le 15 mai et cherchant difficilement à se prolonger, n’ont joué, au niveau “ organisationnel ” en tout cas, de rôle décisif, ou même de catalyseur. Il va de soi qu’il en est tout autrement si l’on considère, dans la période qui commence en mars, la formulation et le développement des revendications sociales et politiques des travailleurs, qui non satisfaites, provoquent un mécontentement qui ne cesse de se développer.

Il paraît bien d’ailleurs qu’au total, le problème soit de savoir le rôle respectif joué dans la mobilisation du consensus protestataire par les deux institutions principales “ possibles ” : ateliers nationaux ou Garde nationale. Ce sont les premiers que privilégient au bout du compte R. V. Gould, aussi bien qu’avant lui M. Traugott, sur la base de démonstrations statistiques qui ne convainquent pas. Pour parler simplement, les “ corrélations ” qui sont données comme démonstratives sont de portée douteuse. On n’entrera pas dans des détails techniques fastidieux, mais plusieurs remarques s’imposent.


On part du corpus des quelque 12.000 prévenus jadis constitué par Charles Tilly et Lynn Lees à partir des registres des Archives nationales ou de l’armée à Vincennes. Or,


1) Les observations et les calculs effectués ne portent que sur l’espace parisien au sens strict, en ne tenant pas compte les banlieues, Belleville, La Villette, La Chapelle, Montmartre, Ivry ..., qui ont joué pourtant un rôle majeur dans l’insurrection.


2) Les deux auteurs ont classé les individus arrêtés à l’occasion de l’insurrection en catégories socioprofessionnelles construites, pour rendre les comparaisons possibles, sur le modèle de celles qu’utilise la précieuse Enquête sur l’industrie à Paris de 1847-1848 réalisée par la Chambre de Commerce. Pour faire vite encore, il semble bien qu’on ait créé là, en dépit de toutes les précautions prises, des artefacts catégoriels qui conduisent à des résultats douteux. Si M. Traugott a largement raison dans l’explication “ organisationnelle ” qu’il propose de la conduite de la Garde mobile, restée dans le camp de l’ordre parce que particulièrement bien encadrée (et payée), à la différence des ateliers nationaux , on peut observer que la corrélation forte qu’il trouve en comparant les compositions respectives de la Garde mobile et de l’ensemble des individus arrêtés est totalement contredite par l’analyse analogue qu’avait faite autrefois P. Caspard, mais selon une classification différente et peut-être plus opératoire, quoique sans travail statistique poussé [10]. Une analyse factorielle approfondie - on fait grâce au lecteur de son détail - des éléments à comparer, compositions de la Garde nationale, du personnel des ateliers, de la population industrielle, de la population flottante des garnis, du corpus des arrêtés et de celui des transportés, et même des combattants de février, le contredit de même façon. Bien que gardes mobiles et insurgés proviennent d’un même “ vivier ” social, les différences sont sensibles entre les deux groupes. On ne peut de surcroît écarter comme fait M. Traugott la question de l’âge des individus concernés. Le commandant Chalmin [11] avait, il y a bien longtemps montré que les jeunes gardes étaient, non pas certes un quelconque lumpenproletariat, ou un quelconque fragment des “ classes dangereuses ”, mais bien de turbulents casseurs. Et, suivant ici R. Gossez, on ne peut laisser de côté ce fait essentiel que le “ jeune ”, dans le monde du travail, rencontre beaucoup de difficultés, surtout en années de crise, à s’intégrer au métier, donc à s’insérer dans l’espace social. Au contraire, l’“ insurgé ”, s’il existe, ou en tout cas le transporté, ou l’arrêté est - à l’exception évidente des journaliers et hommes de peine - un ouvrier installé, intégré, “ fini ” selon la formule de l’époque.


3) Une analyse socioprofessionnelle ne saurait de toute façon être conduite valablement au niveau de l’arrondissement de population ancien (les douze arrondissements d’avant 1860), qui est lui-même un très étrange artefact géographique, sans nulle cohérence, notamment sociale. De surcroît, dans la comparaison qui est effectuée par arrondissements avec les données professionnelles de l’Enquête de 1847-1848, on ne prend jamais suffisamment garde au fait que celle-ci recense, non pas les lieux d’habitat des travailleurs, mais leur lieu de travail. Or, d’après par exemple l’étude minutieuse faite par Gérard Jacquemet, les trois-quarts des Bellevillois arrêtés travaillaient dans le Paris intérieur, spécialement dans le VIIIè arrondissement frontalier.[12] L’Enquête ignore par définition leur caractère faubourien.

Mieux vaudrait déjà descendre au niveau du quartier, ce que nous avons tenté à partir d’un sondage au dixième. La carte obtenue est déjà plus parlante ; elle reste pourtant encore fortement inexacte, très simplement parce que les grands axes insurgés, les axes “ naturels ” de la géographie du Paris populaire que sont les rues du Faubourg Poissonnière, continuée par La Chapelle, du Faubourg du Temple, continuée par Belleville, du Faubourg Saint-Antoine, sont eux-mêmes des frontières de quartier, à cheval sur deux quartiers au  moins.


4) Mais notre observation la plus importante serait finalement celle-ci. Les analyses statistiques les plus poussées - et on en a tenté de multiples - ne permettent pas de  trancher, dans ce rôle éventuellement “ organisationnel ”, entre ateliers nationaux et Garde nationale.[13] Seule l’observation historique simple, banale, permet sur ce point d’avancer des propositions à peu près sûres. Selon nos recherches, c’est la Garde nationale qui est l’élément décisif, non les ateliers qui, en dépit de certaines apparences, ne forment - on peut le montrer aisément - qu’un tout plutôt “ inorganique ”.

 

Encore faut-il s’entendre et prendre un certain nombre de précautions, qu’on résumera encore en quelques observations préalables.

- Que vaut au vrai le corpus qu’on a constitué à partir des dossiers des commissions militaires (qui ont travaillé en deux mois sur les cas de quelque 12.000 prévenus), suivies des commissions de “ clémence ” et enfin des commissions de “ révision  ” ? Il va de soi que 12.000 arrêtés ne font en aucun cas 12.000 insurgés. Si l’on suit sur ce point les indications données par M. Émerit, dans la revue de notre société, seul travail à notre connaissance consacré à la nature et l’importance de la répression de Juin et cependant presque toujours négligé, il y aurait eu au total au moins 18.000 arrestations, mais 6.000 libérations immédiates. Sur les 12.000 restant qu’on traite habituellement, plus de 10.000 ont été libérés lorsque intervient l’élection présidentielle du 20 décembre, soit en moins de six mois et sous la “ dictature ” de Cavaignac ; le nouveau président n’aura à exercer son droit de grâce que pour un gros millier d’individus au cours de 1849 et 1850. Quelque 255 (ici les chiffres peuvent légèrement varier) “ meneurs ” supposés, ont été renvoyés en Conseil de guerre (quelques-uns sont acquittés, d’autres condamnés à des peines légères). Il y n’y aura eu au total que 450 ou 459 individus réellement  “ déportés ” en Algérie, après pour la plupart un pénible séjour à Belle-île, et sur les 459, 40 seront transportés à Cayenne.

- On pourrait décider de ne prendre en compte que le corpus des quelque 3.400 “ transportés ”, qui furent détenus en réalité pour une plus ou moins brève durée dans les pontons des ports, ceux là même qui resserviront en 1871. Là encore, usant d’un bien injuste vocabulaire, combien de réellement “ coupables ” ? Rien ne remplace, s’il faut “ trier ”, mal de toute façon, une consultation de l’ensemble des dossiers, tâche que le seul R.  Gossez s’était imposée : nous n’avons pour notre part procédé que par imparfait sondage . Le quantitatif peut avoir certains pouvoirs explicatifs ; il est ici un obstacle. Rien ne saurait se substituer à la lecture “ micro historienne ” de cas individuels.

- Enfin se posent les redoutables questions: qu’est-ce qu’une insurrection, ou, plus simplement, qu’est-ce qu’un insurgé ; mieux encore qu’est-ce, pour tel individu, que s’insurger ? C’est à partir de ces questions que  nous pouvons tenter d’avancer quelques conclusions.

 

Assurément, tout a bien commencé par la “ manifestation ” des ateliers nationaux avec leurs bannières, partie du Panthéon, manifestation point nécessairement insurrectionnelle, et ce n’était pas la première du genre.[14] Elle est trop connue pour qu’on y insiste. Mais là se borne ou à peu près le rôle des ateliers.[15] Il n’est pas question de combat avant l’affrontement, presque accidentel, avec la Garde nationale bourgeoise de la Chaussée d’Antin à la Porte Saint-Denis, et le développement, au même moment quoique sans relation évidente avec l’incident précédent, complexe, longtemps incertain, d’une insurrection au sens propre dans les quartiers nord du XIIe arrondissement, qui va ensuite embraser une partie de l’Est de la capitale. Mais les feux insurrectionnels sont partis de différents foyers, généralement sans simultanéité.

C’est assurément la Garde nationale qui dans les quartiers populaires paraît jouer un rôle déterminant. Elle est, on le sait, organisée en douze légions qui correspondent aux douze arrondissements si peu homogènes : il y a donc ici peu à tirer. Puis par bataillons qui correspondent aux quarante-huit quartiers, niveau dont on a dit aussi bien le défaut. Enfin et surtout par compagnies (huit par bataillon), correspondant à un petit sous-ensemble de rues voisines.[16] C’est à partir du dernier niveau, celui de la compagnie de la Garde, mieux - puisqu’une compagnie peut fréquemment dépasser le millier d’hommes dans un quartier populaire - du fragment de compagnie, celui des habitants d’un petit groupe de rues, voire d’une seule rue, d’une portion de rue, ou même seulement d’un immeuble, que peuvent fructueusement commencer notre enquête et notre histoire. Ce point avait été également développé lors du colloque “ Barricades ”. Nous pouvons aujourd’hui aller plus loin, reprenant malgré tout partie de l’utile questionnement formulé par les sociologues.

 

Joue d’abord le fait bien connu que l’on est resté, dans les quartiers de l’Est parisien, généralement sourd au “  rappel ” battu pour l’ordre le 23 juin.[17] Mais il n’y a pas que cet aspect seulement négatif des choses. Ce n’est pas pour autant d’un rôle à proprement parler “ organisationnel ” de la Garde nationale populaire qu’on peut parler. Elle n’est pas une “ organisation ” mobilisatrice de consensus large, au sens quelque peu mécanique où l’entendent les sociologues, qui étendrait, généraliserait, structurerait la révolte - le modèle est décidément ici trop simpliste. Notons que tout au contraire, chez les “ insurgés ”, on déteste, on rejette tout ce qui pourrait précisément faire ressembler “ organisationnellement ” aux gardes de l’autre camp, “ bourgeois ” : et d’abord l’uniforme, dont on ne conserve que le képi, et pour les officiers le sabre, avec une ceinture tout naturellement rouge.[18]

Ce qu’est fondamentalement la garde populaire, c’est un “ espace ”, l’espace de voisinage où se posent, où  sont posés par les participants tous les problèmes de ces jours brûlants. Le petit groupe local rassemblé de gardes nationaux, en armes ou non, et de ceux qui les suivent est lieu de décision, de choix collectifs.

Il y a pu y avoir, c’est vrai, de simples effets d’entraînement, car la toute simple “ contagion ” a opéré aussi : “ J’ai fait comme ceux de mon quartier ”. “ Si je me suis trouvé mêlé à une barricade, c’est que j’ai vu travailler plus de soixante voisins qui faisaient partie de ma compagnie et parmi lesquels se trouvaient les trois sergents, et je me suis mêlé à eux. ” [19] On notera le respect de l’autorité du sergent, cadre local. “ Les autres voisins qui, comme moi, avaient été contraints de marcher, dirent que, puisque la barricade était faite, il fallait la garder pour sauvegarder le quartier. ”[20] Il n’est pas d’ailleurs expressément dit pour qui, pour quelle cause on sauvegardera la barricade. On voit déjà cependant qu’intervient, décisif, le rôle du voisinage. Bien entendu encore, certains choix peuvent ne relever que d’une décision purement individuelle, notamment en cas de refus de participation aux combats : “ Je me demandais même ce qu’on désirait le 23 juin (...). J’avais l’intention de ne me battre ni pour les uns ni pour les autres ; (...) j’étais résolu à ne pas me battre, ne sachant le motif de la lutte. ” [21]

Bien plus intéressant le fait qu’il y a le plus souvent, au sein des petits groupes locaux, débat, discussion, avant le choix. C’est dans cette discussion que les travailleurs deviennent réellement des “ frères ”, d’une fraternité plus étroite et plus vraie que la fraternité facile ou factice des lendemains de la victoire de Février [22], et c’est cette discussion qui détermine le choix qu’on va faire. “ Au poste, il était question de se battre pour la République démocratique et sociale. Les uns voulaient aller attaquer la caserne de Reuilly. D’autres disaient que c’était inutile, parce que les soldats de cette caserne ne se battraient pas. D‘autres disaient que c’était juste pour les munitions. ”[23] Au poste de la barrière de Ménilmontant “, Guérineau [24] a cherché à entraîner la compagnie et le capitaine Boudeville (...). Dans la nuit du 23 au 24, il y avait eu dans le poste des discussions qui avaient fait que le capitaine avait engagé les personnes qui étaient au poste à se retirer chez elles. ”[25] On discute devant le 25 rue des Postes, quartier de l’Observatoire: “ A la barricade de notre porte, tout le quartier était présent, homme comme femmes, écoutant les uns et les autres et cherchant à savoir où tous ces malheurs nous conduiraient. ” [26] On parle, on dialogue, on décide : les muets, les silencieux, s’ils ne se font pas entendre, écoutent et doivent bien à tout le moins opiner de la tête, en tout cas accepter ou non la décision, rester ou partir. Le geste, l’acte  de participation (ou non) qu’on devine s’ajoutent à la parole. Certains bien sûr “ se laissaient conduire sans savoir où ils allaient ”.[27]

La discussion se fait généralement autour de la personne d’un “ leader d’opinion” - pour n’employer ni le terme de chef, peu démocratique en l’occasion, ni celui de “ meneur ” qui appartient trop clairement dès ce moment au vocabulaire de l’ordre. Celui-ci est le plus souvent un cadre de la Garde, un (ou des) lieutenant(s), parfois le capitaine, légitimes élus du peuple, ses représentants proches, “ directs ” . On oublie trop que les premières élections populaires ont été celles de ces cadres locaux de la Garde nationale, du 5 au 9 avril, première expérience du scrutin, et d’importance dans les quartiers populaires, le vote se faisant par compagnie. Ceux qu’on désignait alors étaient des proches, non ces lointains représentants comme qu’on nommera le 23 avril.[28] Dans la discussion, ce n’est pas d’ailleurs nécessairement l’autorité de cet officier qui emporte la décision. Quand des gardes nationaux de La Chapelle décident de descendre sur Paris, rue du Faubourg Poissonnière, “ pour empêcher qu’on proclame un roi ”, il paraît bien que ce sont les hommes qui entraînent leur capitaine, et non l’inverse.[29] “ Le capitaine Legénissel fit arrêter la compagnie devant sa maison et demanda aux gardes nationaux s’ils voulaient toujours aller à Paris. Sur leur réponse affirmative, il se mit à leur tête, franchit la barrière Poissonnière. ” Selon la déclaration de Legénissel lui-même, les hommes lui auraient dit : “ Nous voulons aller à Paris pour empêcher qu’on ne proclame un roi. Si c’est pour cela, ai-je répondu, je suis prêt, marchons (...). J’ai crié "Vive la République démocratique ", on m’a imité. ”

On peut choisir de s’insurger au sens propre du terme, de combattre. La 3è compagnie du bataillon du quartier Porte Saint-Martin, capitaine Lécuyer, d’un effectif habituel de plus de 1.900 hommes des rues du Buisson Saint-Louis, de la Grange-aux-Belles, Corbeau, décide le 23 juin d’aller au Faubourg du Temple, lieu d’une des plus rudes batailles du premier jour. “ Toute la compagnie s’est dirigée vers cette rue. ”[30] La rue sera nettoyée le soir, mais les barricades reconstruites dans la nuit, pour une nouvelle bataille qui va durer deux jours. Le 24 au matin, ce sera donc le tour - entre autres - de la 8è compagnie du quartier Popincourt [31] d’aller au même Faubourg du Temple. Un capitaine nommé Aimon, qui ne nous est pas autrement connu puisque contumace, donc mort ou en fuite, “ dirigeait des barricades rues de Ménilmontant et Saint-Maur ”.

Mais il est aussi bien d’autres choix possibles, y compris et surtout celui de ne pas choisir. On peut décider de seulement “ manifester ”. Tôt le matin du 24, “ les gens du Faubourg (Saint-Antoine) descendirent, au nombre de mille cinq cents, tous armés, formés par compagnies (...). Ils disaient qu’ils voulaient aller à l'Hôtel de Ville. ” [32] Manifestation, c’est ainsi du moins que la voient des témoins ; était-ce pour s’exprimer seulement ou pour aller combattre ? Quelle distance y a-t-il de la simple protestation à l’érection d’une barricade. Dans le quartier Sainte-Avoie, “ Tout à coup la rumeur s’est répandue dans la rue (Montmorency), on disait qu’on assassinait la Garde nationale, et qu’il était urgent d’intervenir pour faire cesser la lutte commencée la veille et d’arrêter l’effusion de sang. On parlait de faire une protestation au nom de la Garde nationale et de la porter à l’Assemblée nationale. Alors quelqu’un dit que pour appuyer cette protestation, il fallait nous barricader dans notre rue. Cet avis a été accepté sans examen par un grand nombre d’entre nous, un peu pris de vin, et nous avons commencé une barricade (...). Nous avions bu toute la nuit, et il n’a pas été difficile de nous abuser et de nous entraîner. [33] Le vin est l’excuse classique.

Il y aura surtout le choix de créer des “ postes ” de Garde nationale dits “ de sûreté ”, pour “ se défendre ” : il n’est pas précisé contre quel agresseur. Il peut s’agir des mobiles, particulièrement redoutés, et de l’armée, mais aussi bien, et pourquoi pas, des insurgés. Pour beaucoup, il paraît s’agir avant tout d’assurer un certain “ ordre ” local au milieu du désordre général, et on se refusera à sortir de ce “ localisme ”. “ Nous étions nous-mêmes pour le parti du bon ordre (...). Nous voulions conserver la tranquillité dans notre quartier. ” [34] Le “ bon ordre ” n’est pas du tout nécessairement “ l’ordre ”.

Bref, rien absolument ne dit au départ qu’on va à la bataille. Dans bien des cas, ce doit être assurément tout le contraire, puisque, même dans cet Est parisien qu’on pose trop facilement comme unanimement insurgé, ce n’est à l’évidence qu’une minorité qui a combattu, autour des grands axes décisifs plus haut mentionnés, qui ont chacun un “ chef ”, le journaliste et animateur de la société des ouvriers en papiers peints Lacollonge, qui se fit proclamer maire du VIIIè arrondissement [35] ; Legénissel, artiste graveur sur métaux, le 23 juin, au Faubourg Poissonnière ; Benjamin Larroque le 25 au même faubourg, Clos Saint-Lazare, mort au combat [36] ; ou dans les quartiers centraux du IXè arrondissement, ceux qui ouvrent sur l’Hôtel de Ville, le chapelier Hibruit qui se dit dans une proclamation insurrectionnelle “ chef des barricades des rues des Nonaindières, de Jouy, Charlemagne et du Figuier ”.[37]


On peut - nous en avons trouvé des cas - changer d’avis en cours de bataille, et pas seulement au dernier moment, quand tout est perdu. On peut enfin choisir de se ranger du côté de l’ordre : c’est bien ce qui semble s’être produit dans les quartiers autour de l’Hôtel de Ville; nombre de compagnies, indécises le 23, quelques-unes penchant pour le “ désordre ”, participèrent, partiellement tout de même et après bien des hésitations, à la pacification les 24 et 25 juin.

Cela, c’est la discussion, la négociation interne, intérieure au camp populaire. Il y a aussi, mieux connue, la négociation avec “ l’extérieur ”, le 23 juin notamment, avec les forces de l’ordre (souvent elles-mêmes indécises) qui se présentent. C’est ce qui s’est passé, au Nord du XIIè arrondissement autour du maire Pinel-Granchamp, ce philanthrope auquel on reprochera d’“ avoir, dans un mouvement insurrectionnel, provoqué ou facilité un rassemblement d’insurgés ” et qui en fut puni d’un an de prison : il n’avait fait que s’interposer, et tenter de désamorcer le mouvement. Au Faubourg Saint-Martin le 23, face à la Garde républicaine, “ on parlementa, on cria unanimement "Vive la République", et la Garde républicaine demanda à fraterniser, mais alors les hommes à rubans rouges s’y opposèrent, disant que la Garde républicaine criait Vive la République mais que ce n’était pas le fond de sa pensée, qu’on voulait rétablir Henri V. ”[38] Pendant toute l’insurrection, on n’a cessé, de parlementer, de négocier, même aux barricades de la rue du Faubourg du Temple qui livrèrent pourtant les plus durs combats et résistèrent jusqu’à la toute dernière extrémité, au Faubourg Saint-Antoine et  à la Bastille, ou encore à la Barrière de Belleville. Jamais insurrection ne fut à Paris autant “ discutée ”.


Il y avait protestation, contestation. Rien ne dit, aucun fait qu’on puisse considérer comme déterminant n’entraîne que la protestation doive tourner comme automatiquement à l’affrontement armé. Il y avait certes des entraîneurs, des “ meneurs ”, mais quels hasards souvent, quels impondérables ont joué dans la décision ? L’affrontement armé n’est pas la seule forme de la contestation : osera-t-on avancer que ce n’est pas forcément  la principale ? Qu’il y ait eu des combattants, des insurgés, il n’est pas question de le nier. Mais d’une part, très simplement, le “ tri ” que les commissions militaires croient pouvoir réussir (un tri au bout du compte infiniment moins sévère, moins cruel qu’il ne sera en 1871), il est bien difficile à l’historien de le réaliser - c’est se leurrer par exemple que de croire qu’on puisse dénombrer les “ insurgés ”, choisir entre les chiffres diversement avancés, 10.000, 20.000, 50.000 ... De l’autre, on est conduit à se demander s’il est réellement utile : non seulement un tel dénombrement n’est pas possible, mais à la limite, il n’a pas de sens, et pas seulement techniquement. Il y eut des insurgés, c’est indubitable, et partiellement explicable “ statistiquement ”. L’historien qui ne saurait sonder les reins et les cœurs peut-il raisonnablement prétendre dire pourquoi tel individu ou tel groupe s’est mis en cas d’insurrection ?

 

Ceci posé, il faut malgré tout se lancer enfin dans la quête - délicate - des “ mobiles ” qui ont pu faire agir ou choisir ces hommes du peuple qui combattirent (ou non), des représentations sociales “ partagées ” que les individus se font de la situation. Ceux du moins qui parlent, ou qu’on fait parler. Pour quelques-uns qui s’expriment, et combien diversement, combien de silencieux, dont le silence peut être après tout parlant, éloquent, puisqu’il peut s’interpréter aussi bien comme un refus délibéré de “ participer ” à un acte judiciaire contesté dans son principe. Il va de soi que l’inculpé dissimule, travestit la “ vérité ” - mais au fait quelle vérité, dans des situations individuelles si souvent indécises, variables ? L’historien n’a pas pour tâche de le “ démasquer ”, mais de décrypter son discours : une longue fréquentation des dossiers, une confrontation constante avec d’autres sources, bref, le “ métier ” peuvent y autoriser. Il faut d’ailleurs souligner que, contrairement à ce qui se passera en 1871, où une justice militaire pressée et dont la conviction est d’avance faite, prononce très mécaniquement des condamnations sur dossiers sommairement constitués, en 1848 le juge d’instruction de la commission militaire entame parfois avec celui qu’il interroge un véritable dialogue : au delà du rituel figé du questionnement, il tente de “ comprendre ” une situation inattendue, cette révolte républicaine contre une République instaurée. Et certains inculpés tentent réellement de s’expliquer.


On ne retiendra ici que quelques points essentiels, avant de tenter d’énoncer une interprétation perspective plus générale.

Il y a les représentations qu’on peut qualifier d’élémentaires ; “ J’y allais pour pouvoir manger ”, “ pour devenir moins malheureux ”. “ Entraîné par la misère, le désespoir produit par le manque de travail, que j'attribuais à la faute du gouvernement, j'ai cru défendre la République et pris mon fusil et me suis transporté au coin de la rue Transnonain où j'ai travaillé à une barricade. On y a ensuite planté un drapeau tricolore et je l'ai gardé. ”[39]

On retrouve sans étonnement l’opposition ancienne du pauvre et du riche (principalement sous la forme proche du propriétaire), ou désormais de l’aristo (abréviation nouvelle née en mars, après la manifestation des bonnets à poil du 15). “ Il ne faut plus de bottes vernies aujourd'hui ; il n'en faut que pour écraser la tête des aristos. ”[40] “ Il y a assez longtemps que les riches sont propriétaires, chacun son tour ”[41]; naturellement le fait est rapporté par le principal locataire de l’immeuble, qui doit bien de son côté “ interpréter ”. Mais n’est-elle pas plausible, cette accusation portée par son propriétaire contre le fileur de laine bellevillois Drouhot, d’avoir proféré cette menace: “ Mort aux propriétaires, nous les ferons travailler à notre tout dans les ateliers nationaux. ” ?[42] Quant à la femme du ciseleur en pendules Mouchel, autre bellevillois, elle aurait dit qu’ “ il y a assez longtemps que le peuple mange des pommes de terre; c’est à son tour de manger des poulets, et au tour des propriétaires à travailler aux ateliers nationaux. ”[43] Tout ceci est classique, et se retrouvera presque terme pour terme en 1871.

On peut encore rencontrer une violence d’allure archaïque : “ Il faut que je le tue et que je m’engraisse. ”[44] Ou encore “ Tiens, tu vois, si je tenais la cervelle de Cavaignac, je la mangerais à la vinaigrette comme tu vas manger ton bœuf. ” [45] Constante en tout cas l’opposition du républicain et du blanc : le thème de la défense de la République est un des plus fréquemment évoqués. “ Nous voulons aller à Paris pour empêcher qu’on ne proclame un roi ” [46]  disent les insurgés de La Chapelle. “ En agissant ainsi, nous avons agi pour le maintien de la République, contre les légitimistes, les orléanistes, les napoléoniens. ”[47] “ J’entendis les ouvriers dire que l’on voulait ramener un prétendant et je croyais agir dans l’intérêt de la République. ”[48] Défendre la République qu’on croit attaquée, est-ce s’insurger ? Il va falloir évidemment s’entendre sur le sens que l’homme du peuple donne à la République.

En un temps d’absence presque totale de travail, et puisqu’on parle de supprimer les ateliers nationaux, il y a la revendication, plus ou moins clairement exprimée, tout ensemble du droit au travail, de l’organisation nécessaire du travail, que ne saurait réaliser qu’une République “ démocratique et sociale ”. Les définitions que donnent de cette “ bonne ” République plusieurs accusés sont diverses, mais suffisamment explicites : c’est “ le gouvernement des ouvriers ”, “ le bon droit de la République ”. “ Les insurgés voulaient la République démocratique et sociale, le droit d’association et des ateliers dirigés par eux. ”[49] La formulation est parfois plus précise encore : ainsi celle d’un certain Guillet, au nom du “ poste des insurgés de mairie du VIIIe arrondissement ” :


“ Nous [...] demandons :

Une République démocratique et sociale.

L’association libre du travail, aidée par l’État.

La mise en accusation des Représentants du peuple et des Ministres, et l’arrestation immédiate de la Commission exécutive (...). Citoyens, songez que vous êtes souverains (...).”[50]


Droit au travail, organisation du travail, disons plutôt que c’est tout, en bloc, ce que les travailleurs de Paris avaient attendu de la révolution de février. “ J’ai crié "Vive la République démocratique et sociale" parce que j'ai cru que c'est celle-là qu'il nous fallait, la République démocratique et sociale ayant été proclamée sur les barricades de février. ” [51]

 

Un mot maintenant, plus généralement, de ce qu’a voulu être notre lecture, puisqu’on l’a déjà contestée  [52], et qu’on la contestera. Il faut se défaire, pour user du vocabulaire des littéraires ou des sociologues de la communication, d’une conception essentialiste et intentionnaliste de l’acteur, à partir de laquelle le travail de l’historien consisterait à restituer l’“ authenticité ” des points de vue, des paroles, des propos, faisant ainsi des acteurs de l’événement des “ auteurs ”, confondant trajets et projets. Plus simplement, Il faut se méfier dans la lecture du dossier d’inculpé de tout a priori  ; il n’y a pas un arsenal, un répertoire d’identités en quelque sorte préétabli. Répondre à un juge n’est pas une situation “ authentique ”, mais bien réelle, ni plus ni moins que d’écrire des mémoires de captivité, qui peuvent paraître plus “ engagées ” et qu’une certaine historiographie [53] a, ou a eu, tendance à privilégier. Il ne peut y avoir de situation où les impétrants peuvent tout dissimuler ou inversement tout exposer. Simplement, “ pacte ” d’interlocution ici, et pacte d’écriture là sont différents, nécessitent des types d’enquêtes appropriées à chacun. Il faut être particulièrement attentifs aux interstices du “ discours ”, qui laissent entrevoir les hésitations, les contradictions lors de l’interrogatoire, tout autant qu’à la clarification des motivations a posteriori dans une autobiographie.

 

Tentons enfin d’élargir la perspective. Ce qui a un sens, c’est le mécontentement, la protestation ou la contestation qui mûrit, bien avant que “ les trois mois de misère mis au service de la République ” soient écoulés. Il devient chaque jour plus évident que les imprudentes (économiquement et financièrement parlant) promesses faites le 25 février par le Gouvernement provisoire ne seront pas tenues. D’autres circonstances interfèrent et surtout l’élection le 23 avril de l’Assemblée nationale qui ne compte pas ou si peu de “ travailleurs ”, qui paraît surtout non pas disposée à combattre, mais incapable de réaliser et surtout d’entendre les aspirations ouvrières parisiennes les plus évidentes. Le 17 mars, au fond, sauf quelques rares éléments, 150 ou 200.000 travailleurs des corporations étaient rassemblés pour dire leur adhésion au gouvernement provisoire. Mais c’est ensuite le 16 avril, où la fêlure apparaît, bien que ce soit une Garde nationale populaire qui crie elle aussi “ A bas les communistes ! ”. Le 15 mai enfin, où quelques excités ont fait dégénérer la manifestation pour la Pologne en dissolution de l’Assemblée. Et déjà les élections du 4 juin, beaucoup plus clairement que celles d’avril, ont opposé un camp plutôt rouge au camp bleu quelque peu mêlé de blanc, ou (quoique pas si simplement) le Paris populaire de l’Est au Paris bourgeois de l’Ouest. Depuis la fin mai, la tension ne cesse de monter, on est en état de “ protestation collective ” quasi permanente, et sous les formes les plus diverses : manifestations, propagandes électorales, y compris la bonapartiste, coalitions (à la veille de l’insurrection les mécaniciens de chemin de fer, les cambreurs, les chapeliers sont en grève), et de surcroît la cessation du travail est pratiquement générale depuis les incidents du 15 mai. La désillusion est générale dans le Paris populaire et travailleur.

Ce qui est en cause maintenant, même si ce n’est exprimé que maladroitement, incomplètement, ce qui est ressenti sous des formes diverses par les accusés, c’est un problème politique. La République démocratique qui vient de faire  -en principe de tous - des “ citoyens ” et l’Assemblée républicaines qui dit les “ représenter ” ne satisfont en rien les aspirations des travailleurs, qu’ils formulent en termes de “ droit au travail ”, d’“ organisation du travail ”, termes qu’ils ont repris à leur compte, les empruntant aux fouriéristes ou à Louis Blanc, se les réappropriant à leur manière. Cela se dira aussi bien par la formule brutale “ du travail ou du plomb ! ”, par celle, vague, de “ gouvernement des ouvriers ”, ou par celle de République démocratique et sociale.

La République est enfin advenue, et dans l’un comme dans l’autre camp on peut se dire (sauf dans de rarissimes cas encore dans le camp de l’ordre) républicain : en ce sens, les choses sont moins claires en juin 1848 qu’elle ne le seront au 18 mars 1871. La République est une forme, devenue en France historiquement nécessaire. Forme positive, et nous ne sommes pas de ceux qui parlent péjorativement de République “ formelle ” ou de “ républicains formalistes ” : ce serait trop simple. Il reste qu’il devient vite clair que cette “ forme ” nécessaire prend en juin concrètement deux contenus au moins.

 

Il y a la République démocratique “ représentative ”, et il est clair cette République ne représente en rien le peuple travailleur, celui qui s’est engagé dans la Révolution de Février. En face, il y a l’espoir, au moins obscurément formulé, d’une République pour tous et d’abord dans l’intérêt de ceux qui, par leur travail, donnent son assise à la société. République vraiment démocratique, où le peuple travailleur participerait réellement au pouvoir, ne serait pas seulement “ représenté ” par des élus lointains qui refusent, ou sont incapables de les entendre ; république réellement sociale, restituant toute sa valeur, majeure, au travail.

Il y a la république du citoyen “ abstrait ”, celui que nous ont fait découvrir les travaux politiques récents, citoyen doté de droits, apparemment de tous les droits, à la vérité sans effets “ concrets ”, réels, bref et très simplement sans droits “ sociaux ”. En face, celui que nous ne saurions nommer autrement en ces temps nouveaux que le “ citoyen travailleur armé ”. Ce dernier ne peut qu’entrer en conflit avec le citoyen “ abstrait ” Nous retrouvons ici un aspect de que développe Michèle Riot-Sarcey dans sa communication “ De l’universel suffrage à l’association ”. Nous parlons ici de protagonistes plus humbles que ceux qu’elle évoque, qui savent moins bien s’exprimer, ou ne s’expriment qu’en actes.

Citoyen armé, en armes.[54] On simplifiera considérablement en disant que, pacifiques et soucieux d’un “ droit ” pacifiant que nous sommes devenus, nous ne sommes que trop portés à négliger ce fait que, depuis la Révolution, et cela s’est continué en 1830, en février 1848, se reproduira encore en 1871, l’affirmation de la citoyenneté ne va pas sans l’arme, de la pique du sans-culotte au fusil du Garde national. Ce droit immédiat à l’arme du citoyen, les “ possédants ” eux-mêmes ne le lui dénient pas encore, du moins ouvertement. Il va s’agir par conséquent de savoir être particulièrement attentifs, dans nos observations des comportements et des actes, à cette “ culture des armes ” du citoyen populaire, à sa plus ou moins grande habileté à les manier, à son souci de les conserver chez soi, de sortir avec elles dans la rue, de chercher à s’en procurer en pillant des armureries ou en attaquant des casernes. C’est tout un savoir-faire qu’on constate quand certains fabriquent de la poudre, fondent des balles, voire forgent des canons, comme c’est le cas dans le quartier Popincourt ou des ouvriers mécaniciens de la fabrique Pihet tentent de fabriquer deux pièces, sous la probable direction de Jean Nicolas Schumacher, militant républicain connu. Sans oublier que nombre de combattants peuvent avoir une plus ou moins grande familiarité avec la chose militaire, comme anciens soldats, ou ayant des soldats dans leur famille, parents, pères surtout qui ont pu faire les guerres de l’Empire. Autant d’éléments qui font de l’homme de juin un individu réceptif au commandement des officiers de la Garde nationale, et capable par exemple de décrire très précisément, dans un vocabulaire approprié, les mouvements des forces de l’ordre et le déroulement des affrontements.


Et citoyen travailleur. Depuis 1830 ou 1840, le “ travailleur ” éclairé - et l’on est de plus en plus éclairé dans le Paris populaire, qui ne fait somme toute qu’écouter ceux qui, depuis la fin du XVIIIè siècle, économistes, moralistes, philanthropes, ont découvert et propagé l’idée que le travail est source de toute valeur, ont repris celle-ci à leur compte et l’ont retournée contre ses inventeurs qui n’en tiraient pas toutes les conclusions. C’est devenu le fondement de ce qu’on peut oser appeler une “ éthique ”  populaire du travail.[55]

 

“ Citoyens songez que vous êtes souverains ”, disait la proclamation des insurgés du VIIIe arrondissement. Armé, le citoyen travailleur réclame, exige qu’on aille jusqu’au bout de la logique politique, c’est-à-dire jusqu’au bout de ses droits. Février passé, on pouvait dire, ou lui faire dire : “ Laissons le fusil, et reprenons l’outil ”. Mais le fusil reste toujours à portée de main. Rien d’étonnant que le conflit désormais évident entre deux formes de citoyenneté, l’une abstraite, l’autre concrète puisse, éventuellement, quoique non nécessairement, devenir affrontement armé. Là est à nos yeux, en Juin 1848, le fait neuf, le fait majeur, plus peut-être après tout que la simple et seule “ insurrection ”.

 

 

 



[1] Le travail ici présenté est le fruit de recherches et d’une longue réflexion communes, conduite à trois. L’essentiel des recherches érudites a été effectué par L. Hincker et L. Clavier qui ont déjà proposé plusieurs de leurs conclusions lors de notre colloque “ Barricades ” (1995). Ils élargissent actuellement un premier travail de mémoire de maîtrise (voir note 3) en deux thèses à venir. J. Rougerie n’a fait qu’apporter quelque expérience que lui avaient données ses recherches sur la Commune. Il n’est pas sans utilité d’étudier aussi Juin 1848 non pas à la lumière de, mais dans un certain rapport avec 1871, prenant garde que Juin 1848 se déroule en un temps très court, 1871 en une durée prolongée. Le travail récent (Insurgents Identities, 1995, voir note 5) du sociohistorien américain Roger V. Gould, est de ce point de vue stimulant, bien qu’on puisse n’être pas toujours d’accord avec ses conclusions.

[2] Rémi Gossez, “ Diversité des antagonismes sociaux vers le milieu du XIXè siècle ”, Revue Économique, 1956, I, p. 439-457, et Les Ouvriers de Paris. Livre premier : L’Organisation 1848-1851, Bibliothèque de la Révolution de 1848, t. XXIV, 1967. Bien des remarques que nous faisons ici avaient également été largement amorcées dans sa recension : “ Le Paris ouvrier de 1848 vu par les historiens américains ”, A.H.R.F., n° 222, 1975, octobre-décembre, p. 613-621. Rappelons que les notices du DBMOF concernant les “ insurgés ” de 1848 sont de sa main : il avait choisi de ne retenir dans ce dictionnaire de “ militants ” que ceux qui ou bien avaient été membres société ouvrière, ou d’un club populaire, ou avaient également pris part à la résistance au coup d’état du 2 décembre 1851. Un tel corpus n’est pas utilisable statistiquement si l’on cherche à définir “ l’insurgé ” de Juin ; mais là n’est pas justement son intérêt, qui est de “ microhistoire ”.

[3] Sans oublier pour autant : Maurice Agulhon, Les quarante-huitards , Archives, Paris, Galllimard-Julliard, 1975, désormais un classique ; il a bien mis en valeur l’existence d’un troisième camp, que, reprenant le terme de Proudhon, il nomme celui des “ hébétés ”  ; on pourrait ajouter les “ partagés ” car on retrouve bien des incertains du côté populaire. Ni le récent texte d’Emmanuel Fureix, “ Mots de guerre civile. Juin 1848 à l’épreuve de la représentation ”, Revue d’Histoire du XIXè siècle, n° 15, 1997/2, version à la fois enrichie mais abrégée d’un remarquable mémoire de maîtrise : Représentations de l’Insurrection et des insurgés de Juin 1848, sous la direction d’Alain Corgin, Université de Paris-I, 1993. Le présent texte repose sur le mémoire de maîtrise de Laurent Clavier et Louis Hincker, Aspects du Peuple de Paris durant les journées de Juin 1848, 2 tomes, Université de Paris-I, sous la direction d’Adeline Daumard et Jacques Rougerie.

[4] Lynn Lees, Charles Tilly, “ Le Peuple de Juin 1848 ”, Annales, économies, sociétés, civilisations, t. 29, 1974, p.1.061-1.091.

[5] Mark Traugott Armies of the Poor. Determinants of Working-Class Participation in the Parisian Insurrection of June 1848, Princeton University Press, 1985.

[6]  Roger V. Gould, Insurgent Identities, Class, Community, and Protest in Paris from 1848 to the Commune, The Chicago University Press, Chicago and London, 1995.

[7] Lynn Lees, Charles Tilly, art. cité, p. 1.086.

[8]  R. V. Gould, op. cit., p. 47.

[9] “ Avant les journées de Juin, Alibert, comme les autres ouvriers, était fort assidu aux convocations de la Garde nationale et aux exercices (...) puisque la journée comptait double pour tous ceux qui appartenaient aux ateliers nationaux. ” Alibert, A 4.619.

[10] Pierre Caspard, “ Aspects de la lutte des classes en 1848 : le recrutement de la Garde nationale mobile ”, Revue Historique, n° 511, juillet-septembre 1974, p. 81-106.

[11] Commandant P. Chalmin, “ Une institution militaire de la Seconde République, la Garde nationale mobile ”, Études d’Histoire moderne et contemporaine, 1948.

[12]  Gérard Jacquemet, Belleville au XIXè siècle, du faubourg à la ville, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences sociales, Paris, 1984, p.155.

[13] Selon le sondage que nous avons effectué, 680 individus arrêtés (sur 1.100 sondés) ont déclaré leur appartenance soit : 451 aux ateliers nationaux, 418 à la Garde nationale. Mais 189 ont déclaré avoir la double appartenance : soit en fait 38% de membres des ateliers, 38% de membres de la garde et 28% ayant la double appartenance. Recensant les proportions de membres des ateliers nationaux, pour le premier 53%, pour le second 43 % seulement, Ch. Tilly ou M. Traugott négligent le fait de la possible double étiquette.

[14] Il y en avait déjà eu une tentative de manifestation des ateliers nationaux, soutenus par la VIIIè et la XIIè légions le 29 mai, sans parler des manifestations locales, comme celles des bouillants ouvriers des ateliers particuliers de Belleville.

[15] Çà ou là cependant, on pourra voir un chef d’escouade ou un brigadier des ateliers à la tête d’une barricade, mais rien ne prouve que ce soient de ses hommes qui l’entourent.

[16] Le répertoire en est donné à la fin du livre 1 de l’Enquête de la Chambre de Commerce de 1847-1848 : ce sont ces circonscriptions locales de la Garde nationale qui ont également servi au recensement des établissements industriels, dont le détail a malheureusement disparu.

[17]  Dans la Vè légion, il n’y aurait pas eu pas 2.000 hommes sous les armes sur un effectif de 18.000. Dans la XIIè, selon le maire Pinel-Grandchamp, déféré en Conseil de Guerre, “ 500 seulement (sur près de 20.000) se sont réunis sur la place du Panthéon qui était le rendez-vous de la légion ”. Dans la VIIIè, le rappel n’aurait pas même été battu. Mais ces décomptes sont trop généraux ; c’est au niveau des compagnies qu’on peut étudier utilement les absences ou les refus. Souvenir de ce qui s’était passé le 16 avril ou le 15 mai, le rappel est considéré dans les quartiers populaires comme une provocation.

[18] “ On était tellement indigné de la conduite qu’avait tenue sur la place d la Bastille la Garde nationale, qui avait tiré sur le peuple, que si un garde national eût paru en uniforme, on l’eût bien certainement fusillé. ” Hué, ouvrier ébéniste à façon du Faubourg Saint-Antoine, A 11.911.

[19] Tissot, quartier Sainte-Avoie, rue de Montmorency, A 418.

[20] Courtois, jardinier, sergent dans la Garde, quartier de Popincourt, Conseil de guerre, 1ère section.

[21] Cuvelier, fondeur en cuivre du quartier du Marais, qui n’en sera pas moins transporté et, à l’évidence de son dossier, a combattu. A. 1.226.

[22] Parlant d’eux-mêmes, les insurgés se désignent comme frères : “ On assassine nos frères ! ”

[23]  Delamare, A 6.683.

[24] Bellevillois, ouvrier modeleur mécanicien, militant républicain bien connu depuis les années 1830, et ancien saint-simonien. C’était déjà un combattant de février, membre du club des Montagnards de Belleville ; il était lieutenant dans la 5è compagnie du bataillon de la commune.

[25] Domergue, A 11.980.

[26] Témoignage de la femme de l’insurgé Chassan, menuisier du quartier de l’Observatoire, sergent, A 1.192.

[27] Selon les termes du lieutenant Borel, de la 2è compagnie du bataillon de la Villette, A. 6.198.

[28] Dans le Vè arrondissement (20.970 inscrits, un des rares arrondissements où subsistent les procès-verbaux de ces élections), étudié par L. Clavier, la participation à l’élection des deux capitaines et des lieutenants et sous-lieutenants, les 6-9 avril a pu atteindre voir dépasser les 50%, ce qui est loin d’être négligeable : le scrutin était long et complexe, et dans le seul quartier de la Porte Saint-Martin, il y avait près d’un millier de cadres à élire.

[29] Conseil de Guerre, 2è section, affaire Legénissel, p. 51.

[30] Lesourd, tisseur, caporal, 25 rue Corbeau, qui serait selon la police membre de la Société des Droits de l'Homme, A 9.889.

[31] Capitaine Desteract, entrepreneur de charpente, 84 rue de Ménilmontant, Conseil de Guerre,1ère section.

[32] Paris, A 4.644.

[33] Chabanon, fabricant de soufflets, garde national du quartier Sainte-Avoie, A 418.

[34] Turquin, concierge, 3è compagnie du quartier Popincourt, A 8.852. Le poste du 47 de la rue Basfroi (même quartier), commandé par le lieutenant Tamisey, avait, selon les témoins “ pour but de préserver le quartier contre les entreprises des malfaiteurs, et notamment contre les chances d’évasion des prisonniers de la Roquette ”. Tamisey, A 11.342.

[35] En lieu et place d’Ernest Moreau et non, comme on a pris l’habitude de le dire, de Victor Hugo qui avait, du moins selon ses dires, en février refusé le poste.

[36] “ Le chef qui le commandait (le Clos Saint-Lazare), Laroque (sic), était un de ces obscurs feuillistes tels qu’en font naître les révolutions, hommes de lettres de carrefours, stylistes étranges, chez qui tout prend forme de harangues, d’ordre du jour et de proclamations, et qu’on voit toujours prêts à changer leur plume contre une baïonnette. ” Hippolyte Castille, Les Massacres de Juin 1848, Paris, 1869, p. 79. Benjamin Larroque avait été l’un des rédacteurs du Père Duchêne et l’un des organisateurs du Banquet du Peuple. Le 25 juin, “ Laroque, qui commandait l’insurrection sur ces hauteurs si vivement disputées, tint quelque temps encore avec une soixantaine d’hommes. Bientôt il ne lui en resta plus que dix-sept.”. Il alla alors volontairement se faire tuer. Ibid., p. 128.

[37]  Procès des insurgés des 23, 24, 25 et 26 juin 1848, 1er Conseil de guerre, p. 108.

[38] Portrait, coutelier, Faubourg Saint-Martin, A  9.881.

[39] Louis Schmidt, tailleur, A 9.682.

[40] Bazet, A 11.854.

[41] Ratin, cordonnier, quartier du Marais, transporté, A 9.934.

[42]. Drouhot, A 11.673.

[43] On ne manquera pas de rapprocher ce propos de la méchante anecdote rapportée par Tocqueville à propos de son “ confère ” Adolphe Blanqui. Celui-ci “ avait fait venir des champs et placé dans sa maison comme domestique le fils d’un pauvre homme dont la misère l’avait touché. Le soir du jour où l’insurrection commença, il entendit cet enfant, qui disait en desservant le dîner de la famille : "Dimanche prochain (on était au jeudi), c'est nous qui mangerons les ailes de poulet"; à quoi une petite fille qui travaillait dans la maison répondit : "Et c'est nous qui porterons les belles robes de soie." Qui pourrait mieux donner une idée de l'état des esprits que cette scène enfantine ? Et ce qui la complète, c'est que Blanqui se garda bien d'avoir l'air d'entendre ces marmots ! ils lui faisaient grand-peur. Ce ne fut que le lendemain de la victoire qu'il se permit de reconduire ce jeune ambitieux et cette petite glorieuse dans leur taudis. ” Alexis de TOCQUEVILLE; Souvenirs, R. Laffont, Bouquins, p.810. Le grand Tocqueville a tort de moquer ainsi son ami, lui qui - il le raconte naïvement quelques pages plus loin - faillit mourir de peur, rentrant à minuit le 23 à son domicile, rue de la Madeleine, déserté par les autres locataires ; sa femme l’avait prévenu que son portier, “ un homme fort mal famé dans le quartier, ancien soldat, un peu timbré, ivrogne et grand vaurien, (...) socialiste de naissance ou plutôt de tempérament ”, qui lui ouvre à minuit, avait projeté de l’égorger. Ledit portier était fort bon homme à la vérité, si l’on en juge par sa conduite cette nuit-là qui fut aussi respectueuse que pacifique. Ibid., p. 818.

[44] Propos tenu selon un témoin par Didier, traiteur et cordonnier, quartier de l’Arsenal, A 10.615.

[45] Leloutre, chapelier, A 10.588, et DBMOF.

[46] Conseil de guerre, 2è section, p. 51.

[47] Chabanon, A. 4.181.

[48] Rossignol, cuiseur d’oignons, quartier Sainte-Avoie, secrétaire de la Société des Droits de l’Homme, ancien membre de la Société des Saisons, transporté, A 10.284.

[49] Thierry, ouvrier mécanicien de Montmartre, A 12.632 et DBMOF.

[50] Proclamation “ Au nom du Peuple souverain ”,Curiosités révolutionnaires, Les Affiches rouges, ... par un Girondin, Paris, 1851, p. 260.

[51] Demaison, ouvrier typographe du quartier Saint-Jacques, A 6.684.

[52] Pierre Lévêque notamment, dans le chapitre “ Ébranlement et restauration de l’ordre social ” de l’ouvrage collectif de Sylvie Aprile Raymond Huard, Pierre Lévêque, Jean-Yves Mollier, La Révolution de 1848 en France et en Europe, Paris, Éditions sociales, janvier 1948, particulièrement aux pages 95-98. Sa lecture toute “ classique ” de l’insurrection est à nos yeux de celles qu’on ne devrait plus faire.

[53] On pense ici par exemple, aux travaux, d’ailleurs de qualité, de Jean-Yves Mollier notamment “ Belle-Ile-en-mer, prison politique (1848-1858) ”, Maintien de l’ordre et polices en France et en Europe au XIXè siècle, Paris, Créaphis, 1987, et Dans les bagnes de Napoléon III : Mémoires de Ch. F. Gambon, Paris, PUF, 1983.

[54] C’est un point que Louis Hincker développe tout spécialement dans sa recherche propre.

[55] Jacques Rougerie, “ Le mouvement associatif populaire comme facteur d’acculturation politique à Paris de la Révolution aux années 1840, Continuités, Discontinuités ”, A. H. R. F., 1994, n° 3, p. 493-516.

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